Seul sur la scène du théâtre de La Chapelle, Andrew Turner se livre à un certain nombre de pratiques (18, à ce qu’il annonce) qui vont du chant a cappella à la danse, en passant par le conte moderne et les ruses informatiques, qui lui permettent de se dédoubler à l’infini, le tout teinté d’un humour bien personnel, sur fond d’inspiration homérique.
Vaste programme pour un spectacle d’une heure; une heure très agréable où les spectateurs suivent ce drôle de personnage qui ne cesse de contrarier leurs attentes. Et c’est ce qui en fait un spectacle particulièrement intéressant. Il n’y a que de l’imprévisible dans les courtes performances d’Andrew Turner. Car il a le don de nous mener à un questionnement tout au long de sa démarche, pour ensuite nous étonner et partir dans une direction diamétralement opposée à celle que l’on imaginait.
Ainsi, l’une de ses pratiques consiste en un long balancement de son corps, pieds nus et dos à la scène. Aucune musique ne se fait entendre. La chorégraphie se transforme peu à peu en une sorte de nage aérienne où l’artiste semble mimer les gestes de marins. Sa respiration se fait bruyante. Andrew Turner est un très bon danseur, très physique, et ses halètements paraissent naturels aux vues de ses mouvements bien maîtrisés. Mais quand finalement il achève sa gestuelle, ses halètements se poursuivent à l’identique alors qu’il s’installe tranquillement, assis en tailleur sur le sol… La surprise ne peut que faire sourire. Et c’est l’intégralité du spectacle qui est sur ce mode, surprenant le spectateur et le menant toujours là où il ne s’y attend pas.
En filigrane du spectacle, Andrew Turner qui raconte aussi des histoires en anglais et en français, il y aurait le Ulysse et son Odyssée que l’artiste connaît bien depuis son enfance. Le personnage d’Homère est un antihéros qui, au retour de la guerre de Troie, se perd en mer pour finalement rejoindre sa patrie. De multiples aventures l’attendent, des pays où l’on parle des langues bizarres, des mondes parallèles, des rencontres avec lui-même ou avec personne puisque c’est le nom qu’il se donne pour échapper aux cyclopes.
Bref, pour qui connaît un peu l’Odyssée, on voit bien comment Andrew Turner a pu s’en inspirer dans des actions aussi banales que se perdre dans un immeuble du quartier de la Côte-des-Neiges, ou faire des selfies avec son téléphone et les projeter sur son ordinateur en inversant les mots. Autant de jeux que l’on imagine lorsqu’on est enfant et qu’on le reste à l’âge où l’on devient artiste, et cela pour le plus grand plaisir des spectateurs.