Qui ne connaît pas Martin Luther King? Qui n’a pas entendu parler de ce monstre sacré de la lutte en faveur des droits civiques, aux États-Unis? De ce champion de la cause des droits des Noirs, des droits de tous, en fait? La metteuse en scène Catherine Vidal fait le pari de montrer une facette jusqu’alors inconnue de la vie de ce combattant pour l’égalité en présentant Au sommet de la montagne sur les planches de chez Duceppe, à partir du 23 février.
Pour donner vie à ce texte de Katori Hall, Mme Vidal s’est tournée vers Dider Lucien et Sharon James; le premier jouera Luther King lui-même, la seconde, une employée. Et le contexte? La nuit précédant la mort du militant pour les droits de la personne, les deux se retrouvent dans une chambre d’hôtel. Que peut-il alors se passer entre les deux, pour cette interaction dont l’histoire n’a pas gardé la trace?
Au téléphone, les deux comédiens sont particulièrement enthousiastes à l’idée de monter sur les planches. Ainsi, Didier Lucien n’y va pas par quatre chemins: pour lui, la principale raison pour laquelle il a accepté le rôle est la possibilité de travailler de nouveau avec Catherine Vidal.
« J’aime travailler avec elle, elle est fantastique, c’est une metteuse en scène hors pair, et sa direction fonctionne parfaitement bien avec moi », explique-t-il. « En second lieu, la pièce est une grande pièce, c’est très, très bien écrit. C’est rare qu’on a quelque chose à se mettre sous la dent à ce point-là; il y a énormément de matériel là-dedans… Ensuite, c’est oui, de jouer Martin Luther King, mais plus généralement, ce n’était pas arrivé que je doive jouer quelqu’un qui a déjà existé. C’est quelque chose de très intéressant, en plus d’avoir enfin des recherches à faire, creuser un personnage… Ce n’est pas souvent qu’on m’offre quelque chose comme ça. »
Sharon James, de son côté, évoque l’occasion relativement rare de « jouer un grand personnage dans un grand théâtre ». « Quand ça arrive, on mord dedans! », lance-t-elle.
« La pièce est magnifique, c’est difficile de dire non à une pièce avec un propos important, avec un purpose… Et c’est sûr que Catherine Vidal, on se ferme les yeux et on lui fait confiance entièrement. »
Découvrir… et déduire
Les deux comédiens le confirment: pour se mettre dans la peau de leurs personnages, ils ont épluché des documents historiques, regardé bon nombre de films d’archives. « Nous ne sommes pas à l’époque élisabéthaine », lance Didier Lucien, sourire en coin.
« On peut avoir du matériel vidéo de cette époque, et il y en a, c’est extraordinaire. On va jouer à « j’essaie de raconter une histoire », et le public jouera à « j’essaie d’embarquer dans une histoire ». Pour ça, les ingrédients que ça nous prend, ce sont les repères que les gens peuvent avoir. Et donc, on va là », ajoute-t-il.
Et pour Sharon James, la réalité est légèrement différente. Oui, il y a aussi eu l’impératif d’effectuer des recherches documentaires pour se placer dans la peau de son personnage, « mais mon parcours personnel était déjà teinté de cette histoire-là. J’avais un intérêt personnel envers les droits civiques, à propos de Martin Luther King… Cette pièce m’a permis d’aller en profondeur, de découvrir des choses que je ne savais même pas. Cela a fait en sorte que le parcours était encore plus excitant. C’est vraiment un beau cadeau qu’on nous a fait! ».
Pourtant, outre les recherches, ce sera aussi l’occasion, pour Mme James et M. Lucien, de mettre un peu du leur dans leur personnage respectif. Après tout, il ne s’agit pas d’un documentaire sur Martin Luther King, mais d’une pièce de théâtre, un art où les faits et la réalité peuvent être interprétés différemment en fonction des comédiens présents sur scène, mais aussi en fonction de la vision de l’auteur du texte et du metteur en scène.
Ensuite, les deux comédiens précisent bien qu’il n’existe aucune trace historique de ce qui s’est passé, ce soir-là, dans la chambre d’hôtel. Pas plus qu’il n’existe de document indiquant « comment Martin Luther King s’asseyait sur un divan », explique Didier Lucien. Il faudra donc que les deux collègues transforment les traces historiques publiques en une réalité bien tangible, dans un moment d’intimité qui a échappé à l’histoire.
Y a-t-il un poids particulier à porter lorsque l’on joue une pièce parlant d’un personnage historique aussi important?
« Autant que nous sommes conscients de ce que l’on tient, qui est très gros, autant nous racontons une histoire. Il y a donc une partie de moi qui se dit que nous continuons, dans la lignée de nos carrières personnelles, à raconter une histoire, avec tout ce que nous sommes dans le moment », explique Sharon James.
« Je n’ai pas eu de moment où je me suis dit que j’étais prête à jouer ce rôle-là, mais plutôt un sentiment qu’avec mon expérience, j’étais prête à jouer du mieux que je le peux. Ça reste une fiction, d’autant plus qu’il y a quelque chose de mystique, de très théâtral dans cette oeuvre. »
Et pour Didier Lucien, « il y a 10 ans, je n’étais pas nécessairement prêt à jouer ce rôle. Il y a un niveau de difficulté quand même assez élevé, dans cette pièce-là, et la jouer à deux, aussi, trouver la bonne partenaire… C’est aussi la première fois que je joue chez Duceppe, c’est ma première pièce à deux, il y a beaucoup de premières fois. Cela fait que je n’ai pas le sentiment d’avoir franchi une série d’étapes. C’est simplement une autre pièce, avec des paramètres qui sont extraordinaires ».
Au sommet de la montagne, de Katori Hall, mise en scène de Catherine Vidal, avec Didier Lucien et Sharon James. Présentée chez Duceppe, du 23 février au 26 mars.