L’endroit devait valoir son pesant d’or il y a 54 000 ans: des Homo sapiens et des Néandertaliens ont vécu en alternance dans la même caverne du sud de la France, séparés les uns des autres par, dans un cas, à peine une année.
Autrement dit, il y a 54 000 ans, après avoir été occupée pendant une période de temps indéterminée par un groupe de Néandertaliens, la grotte Mandrin aurait été occupée par des Homo sapiens à peine un an plus tard —d’après la minceur de la couche de suie qui a recouvert le sol. Ces Homo sapiens y seraient restés environ 40 ans avant de quitter pour des raisons inconnues puis d’être remplacés par des Néandertaliens pendant 12 000 ans, puis à nouveau par des Homo sapiens pendant quelques siècles.
Les chercheurs appuient leur argumentaire d’une première occupation d’Homo sapiens sur l’analyse de la morphologie d’une dent de lait et sur des outils de pierre « culturellement » distincts.
Au passage, si ça devait se confirmer, cela ferait reculer de 10 000 ans la date du plus ancien Homo sapiens officiellement recensé en Europe de l’ouest. S’ils ont bel et bien existé, il est donc possible que ces premiers Homo sapiens d’il y a 54 000 ans soient une première tentative de coloniser la région qui ait tourné à l’échec: c’est ce que suggère dans le New Scientist Clément Zanolli, de l’Université de Bordeaux, un des auteurs de la recherche parue le 9 février dans Science Advances. Il est également possible que ces humains aient simplement déménagé ailleurs. Rien dans les artefacts ne permet de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Par contre, la date de « deuxième » occupation par des Homo sapiens, 12 000 ans plus tard, s’inscrit, elle, davantage dans la période où on commence à retrouver leurs traces un peu partout en Europe.
Reste qu’une dent de lait, c’est peu, notent déjà les critiques de l’étude. Mais les outils de pierre de cette période de 40 ans semblent être dans le style des outils qu’on attribue traditionnellement aux Homo sapiens.
La Grotte Mandrin, située sur une colline qui s’ouvre sur la vallée du Rhône, fait l’objet de fouilles depuis les années 1990. Les paléontologues y ont trouvé 60 000 fragments d’outils de pierre et 70 000 restes d’animaux —mais surtout, neuf dents d’hominidés provenant d’au moins sept individus.
Rien dans l’évolution des outils pendant ces milliers d’années n’indique une forme « d’échange culturel » ou de « transfert de connaissances » — les Néandertaliens qui, par exemple, auraient pu commencer à fabriquer des outils différemment après avoir été en contact avec leurs cousins, comme des paléontologues l’ont suggéré sur d’autres sites.