Il y a toujours du mérite à se lancer dans un concept dit « original » et à vouloir essayer quelque chose. C’est pourquoi le concept de ce long-métrage aux allures de film d’espionnage, mais au féminin, bénéficiait d’un certain appui préalable. Dommage, toutefois, que malgré sa féroce distribution, The 355 ressemble à un gros ramassis de n’importe quoi qui, en plus de ne pas savoir quoi faire du talent de ses interprètes, sabote également son potentiel féministe au point de lorgner toujours ironiquement et dangereusement vers la misogynie.
Le projet initié par Jessica Chastain elle-même qui s’est lancée, à l’instar de Margot Robbie, dans un désir de féminité depuis quelques années, tout comme d’un besoin de finalement obtenir un Oscar d’interprétation (parlez-en à son The Eyes of Tammy Faye).
Voilà qu’ici elle a voulu se faire plaisir en invitant ses copains, ses copines et ses amis pour un projet de franche camaraderie qui est cependant constamment sapé par la lourdeur de ses propres intentions.
On se base sur un fait réel : l’agent 355 était le vrai nom de code d’une espionne anonyme qui a combattu durant la Révolution américaine. Sauf qu’on en fait de la bouillie dans une histoire racontant l’origine d’une organisation secrète fictive et au féminin propulsée par un désir de vengeance face à un monde d’hommes tous plus ignobles les uns des autres.
La comparaison avec Robbie se poursuit, puisqu’on se ramasse avec un résultat similaire, mais plus « réaliste » que son Birds of Prey : And the Fantabulous Emancipation of One Harley Quinn. En effet, loin derrière ce qu’on a tenté de nous vendre, on se retrouve avec plus de deux heures d’un matériel qui nous explique comment plusieurs personnes qui ne veulent pas nécessairement travailler ensemble se ramassent finalement à collaborer malgré elles.
Dans un contexte beaucoup plus ludique, on avait offert cette proposition de femmes seules contre tous avec le mésestimé quoique tout de même chaotique Charlie’s Angels de Elizabeth Banks, qui faisait passer son manque de subtilité par le biais du bonheur contagieux qu’on y ressentait tout du long. Ici, ledit manque de subtilité est continuellement amplifié par le sérieux qu’on accorde à tout, littéralement tout, des sous-histoires aux dialogues.
C’est que le projet de Chastain manque de transparence. Elle a beau avoir produit la chose, elle s’est pourtant tourné vers le réalisateur peu expérimenté Simon Kinberg, qu’elle a côtoyé pour le méga flop que fut X-Men : Dark Phoenix (qui a d’ailleurs vraisemblablement anéanti pour l’instant tous les plans et désirs de poursuivre cette franchise habituellement très lucrative), d’abord et avant tout un scénariste de projets pour la majorité tous plus médiocres ou douteux les uns que les autres.
Si une scénariste se retrouve au moins au générique, on ne laisse pourtant pas Theresa Rebeck voler de ses propres ailes, alors qu’elle avait vécu une situation similaire durant le tristement célèbre Catwoman, où son histoire se noyait probablement parmi tous les autres hommes s’étant commis au scénario. Ici elle partage l’écriture avec Kinberg, qui s’est sûrement assuré de mettre beaucoup trop du sien.
Ainsi, les antécédents des personnages laissent à désirer et on laisse considérablement ces femmes dépendre des hommes autour d’eux tout comme de leurs sentiments, en plus de miser continuellement sur leurs attraits physiques. De quoi soupirer devant ces clichés qu’on pensait éviter dans un tel film, qui aurait plutôt dû miser sur la véritable force féminine.
Surtout considérant qu’au-delà de Chastain, qui en arrache toujours plus dans les films d’action (on pense à Ava), ses partenaires ont du talent et du charisme à revendre, de l’excellente Lupita Nyong’o (reléguée à un rôle de sous-Q des 007) à Penelope Cruz (particulièrement sous-utilisée), en passant par Bingbing Fan (qui en arrache un peu dans la langue de Shakespeare), jusqu’à la trop rare Diane Kruger qu’on aimerait voir beaucoup plus souvent au cinéma.
Pour les personnages masculins, disons que Sebastian Stan et Edgar Ramirez peuvent eux aussi se plaindre du matériel qu’on leur met sous la dent. De plus, tout ce côté international ne sert finalement pas à grand-chose si ce n’est d’une diversité plutôt aléatoire.
Pour le reste, bien que trop long et parsemé de revirements tour à tour prévisibles ou risibles, The 355 demeure écoutable. Principalement parce qu’on aime les acteurs au point de les suivre à travers ces stupidités, et aussi parce que l’ensemble demeure au minimum compétent de par ses scènes d’actions convenues. De quoi satisfaire ceux qui en demandent peu et recherchent un film d’action comme en voit tant d’autres. Pour la révolution, on repassera et pour la franchise, on n’y comptera pas trop.
5/10
The 355 prend finalement l’affiche dans les salles du Québec à la réouverture des cinémas ce lundi 7 février.