La Chine est le plus grand importateur de produits de la mer au monde, mais une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Floride à Duke, et de quatre autres institutions, a révélé que près de 75% de ces aliments ne terminent jamais leur course sur les étalages des marchés chinois.
Ces produits sont en fait transformés en Chine et de nouveau exportés sur le marché mondial en tant que bien d’origine chinoise, une pratique appelée réexportation. Selon la nouvelle analyse, publiée à la fin janvier dans le magazine spécialisé Science, cela complique les efforts pour évaluer l’aspect « durable » des produits de la mer et peut aussi faciliter les erreurs d’étiquetage du poisson.
« La réexportation n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Le problème est plutôt du côté du fait que cela facilite les pratiques non durables, et nous savons que la Chine mène des activités problématiques, comme la pêche en eaux éloignées, en plus d’effectuer de la pêche illégale », affirme Frank Asche, principal auteur de l’étude et professeur à l’Institute for Sustainable Food Systems de l’Université de Floride.
Un exemple de cette situation, dit-il, est le fait que la Chine exporte présentement 35% plus de morue qu’elle n’en importe, sans faire état d’aucun emplacement d’élevage ou de pêche de ces poissons. Ce surplus de 35% est probablement composé d’autres espèces de poissons blancs moins chers qui sont étiquetés et exportés comme de la morue. Les poissons pourraient aussi provenir de sources non dévoilées. Quoi qu’il en soit, cela n’est pas le seul cas suspect: l’étude démontre que sur les 15 espèces océaniques les plus importées en Chine, la morue est l’une des six qui ne sont pas produites sur le territoire national.
Les impacts économiques associés aux vastes quantités de produits de la mer importés, transformés et réexportés par la Chine se font sentir dans de petites communautés côtières à travers le monde, soutient Martin D. Smith, coateur de l’étude.
Les pertes d’emploi provoquées par le ralentissement de l’activité ou la fermeture d’industries locales de transformation de produits halieutiques viennent saper les structures économiques de plusieurs communautés et y réduisent l’importance de la pêche. Cela représente aussi un défi de taille pour les communautés côtières américaines, puisque la Chine est le plus important marché pour les exportations halieutiques des États-Unis.
« Les pêcheurs chinois n’attrapent pas de saumon, mais j’ai malgré tout acheté un paquet de filets de saumon sauvage chez Walmart, près de chez moi, il y a seulement deux semaines, avec une étiquette indiquant clairement que c’était un produit originaire de Chine », a noté M. Smith.
« Les poissons pêchés aux États-Unis se ramassent souvent sur les tablettes des épiceries en tant que produits de la Chine », a indiqué M. Asche.
Les conclusions de la nouvelle étude viennent renforcer le besoin d’améliorer la traçabilité du système mondial de produits halieutiques, a ajouté M. Smith, avant de noter qu’il existe des mesures qui peuvent être adoptées pour faire en sorte que les communautés côtières américaines soient plus concurrentielles.
« Les gestionnaires d’entreprises de pêches doivent tenir compte de la façon dont leurs politiques affectent la capacité de concurrence de l’industrie de la transformation des produits de la mer », a-t-il dit. « Les politiques qui répartissent les prises, comme le partage des prises, permettent de maintenir un flot constant de produits. Cela permet aux transformateurs de mieux utiliser leurs capacités industrielles et de faire concurrence aux activités à bas prix, en Chine. »