Lâcher prise. Se perdre dans les limbes, le temps d’un album. Ajouter juste assez de reverb à ses guitares, histoire de pouvoir décoller. Avec son troisième album intitulé Dissolution Wave, le groupe américain Cloakroom propose une escapade mêlant stoner rock et shoegaze. Tout ce qu’il faut pour rêver d’un peu de langueur multicolore.
D’abord, le rythme. Point de musique mièvre, ici, mais plutôt un équilibre délicat entre la distorsion et le voyage, entre les percussions et le laisser-aller, entre les notes qui s’égrènent doucement et celles qui cognent dur. L’ensemble fait un peu penser à My Bloody Valentine – avec un peu plus de tonus, si l’on peut le décrire ainsi –, ou encore à un band de vrai bon rock de garage, avec sa dose réglementaire de poil, qui aurait décidé d’explorer l’univers.
En fait, la combinaison est un peu difficile à décrire. On passe fréquemment d’un monde à un autre, des distorsions de notes de guitare qui coulent comme autant de gouttes d’acier à des pièces où l’on touche davantage à la balade. De Fear of Being Fixed à la piste suivante, Lambspring, il y a un monde de différence, et le résultat final peut s’avérer déstabilisant.
De fait, écouter Dissolution Wave – l’album, pas la pièce du même nom, bien que celle-ci soit excellente – est un exercice de transformation qui peut finir par épuiser. Tout se télescope, ou encore s’emboîte, pour former… quelque chose? Les mots manquent pour décrire le résultat, mais force est d’admettre que l’on finira par consommer le tout à doses réduites. Non pas que la musique soit mauvaise, encore une fois, mais l’album est un peu l’équivalent de faire lire Les Bienveillantes, American Psycho, ou n’importe quel autre livre du genre: le jeu en vaut très certainement la chandelle, mais l’ascension peut s’avérer périlleuse.
Ici, pas question de lancer le disque, puis d’aller faire autre chose, au risque de constater que la moitié des pistes se sont écoulées, et qu’il faut donc revenir en arrière pour ne rien manquer. Dissolution Wave est un titre complexe et complet qui nécessite plusieurs écoutes assidues pour bien en saisir l’essence. Cela ne veut pas dire que l’ensemble est parfait; on aurait notamment souhaité une deuxième moitié d’album plus mordante, mais il faut parfois prendre le temps de s’installer confortablement et de contempler notre existence. En ce sens, le troisième album de Cloakroom est idéal.