Une nouvelle étude a révélé un déclin important dans le développement des terres forestières et agricoles, entre 2000 et 2015, comparativement aux deux décennies précédentes, ce qui a entraîné un virage marqué vers une densification urbaine aux États-Unis. L’un des principaux coupables? Le prix de l’essence.
Des chercheurs des universités d’État de l’Oregon et du Montana, ainsi que du U.S. Forest Service, ont constaté que la baisse des prix de l’essence et, dans une moindre proportion, la hausse des revenus, ont contribué au développement des terres entre 1982 et 2000.
Depuis l’an 2000, les revenus ont stagné et les prix du carburant ont fortement grimpé. Les chercheurs ont conclu que ces augmentations du prix de l’essence, davantage que les changements dans les revenus et en matière de démographie, les deux autres facteurs analysés, ont le plus fortement influencé la récente tendance vers la densification du développement.
« La hausse des prix de l’essence fait grimper le coût du transport vers le travail dans les zones où les déplacements sont plus longs, ce qui rend les terrains moins attirants pour le développement urbain, dans ces endroits », indique David Lewis, économiste spécialisé en ressources naturelles à l’Université d’État de l’Oregon, et coauteur de l’étude.
Ce changement dans les tendances en matière de développement des terres a permis d’éviter l’urbanisation de près de 30 000 kilomètres carrés de forêts et de terres agricoles, ce que les chercheurs décrivent comme étant un « remarquable déclin » avec des implications importantes pour l’environnement, selon les travaux récemment publiés dans Environmental Research Letters.
« Je crois qu’il est surprenant de voir que cela se produisait, notamment parce que le phénomène a suscité si peu d’intérêt », affirme M. Lewis.
Un déclin… réversible
Les chercheurs ont constaté que le rythme de développement des terres avait augmenté de façon régulière dans les années 1980 et avait atteint son apogée vers le milieu des années 1990, avant d’entreprendre un déclin marqué débutant autour de l’an 2000. Un plateau est apparu vers 2010, à un niveau équivalent à moins du quart du rythme le plus élevé, durant les années 1990. Ce déclin a d’ailleurs débuté bien avant la crise économique de la fin des années 2000.
D’autres études ont documenté ou laissé entendre l’existence de cette tendance, mais les causes potentielles et les conséquences de ce changement n’avaient pas encore été explorées en profondeur. Dans les nouveaux travaux, les chercheurs ont analysé plusieurs facettes du développement des terrains, en se concentrant principalement sur la croissance démographique, les changements dans les revenus, ainsi que les variations dans les coûts de transport.
Parmi les constatations des scientifiques, on note que la tendance vers des lieux plus densément peuplés pouvait être mesurée sur l’ensemble du territoire américain, 83% de la population recensée en 2015 vivant dans des régions qui se sont densifiées entre 2000 et 2015, comparativement à la période de 1982 à 2000.
Les zones forestières épargnées représentent environ 15 000 kilomètres carrés, largement à l’est du Mississippi, et sur la côte pacifique. Les zones agricoles préservées, elles, équivalent à près de 8500 kilomètres carrés, principal dans le nord-est, le Midwest et le sud-est des États-Unis.
Toujours selon l’étude, il existe un lien fort entre les tendances en matière de développement des terres et les démarches pour ajouter un prix aux émissions polluantes, ce qui est l’une des méthodes pour lutter contre les changements climatiques, ont indiqué les chercheurs.
Si les prix du carburant allaient en augmentant en imposant une taxe carbone, les travaux de recherche démontrent comment une telle taxe permettrait indirectement de protéger des terres forestières et agricoles en réduisant le développement des territoires.
Les scientifiques reconnaissent toutefois ne pas avoir directement tenu compte des réglementations en matière d’utilisation des terres. Ils notent également que les conclusions des travaux ne s’appliquent potentiellement pas à l’ensemble de la planète.
De façon possiblement encore plus importante, les chercheurs soulignent que les tendances en matière de développement du territoire ne devraient pas être considérées comme des changements permanents. Par exemple, la pandémie et la spéculation qui en découle pourraient entraîner un nouvel intérêt pour la vie dans des régions moins bâties, ce qui augmenterait la pression pour développer de nouvelles zones.
« Le développement des terres est irréversible, et donc, une fois que des zones sont construites, il est généralement impossible de revenir à des forêts ou des terres agricoles », rappelle Daniel Bigelow, coauteur de l’étude. « Voilà pourquoi c’est un enjeu aussi important pour tant de gens et de groupes, parce qu’il est impossible d’annuler les changements. »