Dans les premiers mois de la Deuxième Guerre mondiale, avant que les Nazis ne se retournent contre les Soviétiques, il régnait une drôle d’atmosphère, en Europe. La chose était particulièrement vrai en Finlande et en Suède, la première étant attaquée par l’URSS, et la seconde sous pression, par cette même Union soviétique, et par les Alliés, pour prendre position dans ce conflit. C’est là qu’arrive l’auteur Pierre-Louis Gagnon et son roman Dix-sept, rue Villagatan, Stockholm.
Du nom de l’adresse de l’ambassade soviétique dans la capitale suédoise, à l’époque, ce livre publié chez Lévesque Éditeur raconte quelques mois dans la vie d’Aleksandra Kollantaï, ambassadrice soviétique en Suède. Forcément liée au pouvoir stalinien, elle tente malgré tout de s’en tenir relativement éloignée. Après tout, cette époque était l’une des pires de la terreur stalinienne, le dictateur faisant accuser, torturer et carrément assassiner ses « opposants » plus vite que son ombre.
Voilà donc l’ambassadrice avertie d’un éventuel complot gouvernemental pour juger bon nombre de diplomates soviétiques postés à l’étranger, dont elle-même.
Devant elle, les obstacles seront nombreux: la crainte d’être jugée et exécutée de façon expéditive, d’abord, mais aussi la peur de voir son pays perdre la face devant la Finlande. Sans oublier le risque tout à fait réel de voir les terrifiants agents du NKVD, l’organisation étatique dirigée par le psychopathe Beria, court-circuiter le processus juridique normal pour simplement l’éliminer, possiblement en toute discrétion.
Tout cela forme un terreau scénaristique et littéraire dans lequel il serait certainement plus qu’intéressant de creuser. Malheureusement, M. Gagnon cède à la solution de facilité en démontrant, plutôt qu’en expliquant. On ignore si c’est une question de contrainte de temps ou d’espace, mais la grande majorité du roman consiste en de longues descriptions d’événements qui se produisent sans que lecteur n’en soit véritablement témoin. Staline réunit ses ministres et ses généraux pour tempêter devant l’enlisement en Finlande? Un paragraphe, pas plus, sera consacré à cet événement. Plutôt que, par exemple, un chapitre complet, avec dialogues à la clé.
Les dialogues, d’ailleurs, sont largement absents de ce livre, alors que, pour ce journaliste, le défi de la création d’un roman (et de ses personnages) se trouve justement du côté de l’équilibre entre les descriptions et les échanges verbaux (et les gestes qui y sont associés). On a beau dire qu’un individu est cruel et méchant, par exemple, cela doit se prouver par ses gestes et ses déclarations, pas simplement par l’auteur qui écrit pratiquement, en toutes lettres, « qu’il est cruel ».
Avec ce roman trop court pour son propre bien, Pierre-Louis Gagnon rate malheureusement une belle occasion de nous présenter la période pré-Opération Barberousse dans toute sa complexité, surtout du point de vue d’une diplomate qui craint d’être assassinée pour avoir fait son travail. Et c’est franchement dommage.
Dix-sept, rue Villagatan, Stockholm, de Pierre-Louis Gagnon, publié chez Lévesque Éditeur, 255 pages.