Deux enjeux de 2022 risquent d’entrer en collision à un moment donné: la COVID longue, dont on peine encore à cerner les causes et la durée, pourrait-elle amplifier la pénurie de main-d’oeuvre?
L’Institut Brookings, un organisme américain qu’on a plutôt l’habitude d’entendre sur des questions d’économie ou de politique, publiait un rapport le 11 janvier où il s’inquiétait de la COVID longue (en anglais, long COVID): c’est-à-dire tous ces cas où une personne, après avoir été infectée par le virus, a continué d’avoir des symptômes pendant des semaines, voire des mois. Les symptômes en question vont de la perte prolongée d’odorat ou de la fatigue jusqu’à des problèmes respiratoires. Et cela semble même toucher des gens qui avaient peu souffert de l’infection et n’avaient pas eu besoin d’être hospitalisés. À ce jour, plus d’un an et demi après que l’expression soit entrée dans le langage médical, les chercheurs et les médecins ont encore du mal à en cerner les causes et à dire pourquoi certains sont plus à risque que d’autres d’avoir des séquelles d’une infection au coronavirus.
Mais considérant que des chercheurs ont suggéré l’an dernier que jusqu’à un quart des personnes infectées auraient de telles séquelles s’étendant sur des mois; et considérant aussi qu’en Grande-Bretagne, le bureau des statistiques a estimé que plus de 70% des gens qui s’étaient plaints d’avoir des symptômes persistants après leur infection, ont conservé ceux-ci pendant plus de trois mois, et plus d’un tiers pendant un an… Il est donc possible de se demander si la pénurie de main-d’oeuvre ne pourrait pas être amplifiée —voire si cet impact ne se ferait pas d’ores et déjà sentir, lit-on dans le court document.
Les économistes, rappelle-t-on, ont proposé plusieurs explications à la pénurie de main-d’oeuvre ces derniers mois, autant aux États-Unis qu’au Canada. En plus du fait que la démographie rendait la situation prévisible depuis 20 ans, s’ajouterait à cela, aujourd’hui, le fait que beaucoup de gens ne seraient pas prêts à à revenir aux conditions de travail d’avant la pandémie; que plusieurs auraient choisi de prendre une retraite anticipée; et que les craintes d’attraper la COVID au travail pourraient jouer. Mais pourquoi pas la COVID longue? Passant en revue les statistiques disponibles aux États-Unis, l’auteure du rapport de l’Institut Brookings évalue que « la COVID longue pourrait être la cause de 15% des 10,6 millions d’emplois vacants ».
Ce qui conduit à se demander pourquoi les économistes, dans toutes leurs analyses des derniers mois, n’en tiennent jamais compte. « La taille des chiffres suggère que la COVID longue mérite d’être considérée dans les discussions sur la pénurie de main-d’oeuvre ». Ne serait-ce que pour aider les décideurs à « mieux prédire comment le marché de l’emploi va évoluer. »