Entre les grandes déclarations de certains studios de jeux vidéo, dont plusieurs grands noms de l’industrie, et la réalité des développeurs, il semble exister un fossé qu’il semble impensable de combler, du moins à court ou moyen terme.
Voilà l’une des conclusions qui ressort du plus récent rapport de la Game Developpers Conference (GDC), qui présentait jeudi l’édition 2022 de son exercice récurrent intitulé State of the Industry.
Ainsi, sur plus de 2700 développeurs interrogés dans le cadre de ce vaste coup de sonde, à peine 6% des répondants indiquent que leur studio est « très intéressé » par l’utilisation des cryptomonnaies comme méthode de paiement pour des jeux ou des objets et autres offres à l’intérieur de ces titres, contre environ le cinquième (20%) qui soutiennent que leur employeur est « un peu intéressé ».
À l’opposé du spectre, près des trois quarts des participants ont souligné que leur studio « n’était pas intéressé » par les monnaies virtuelles lorsque vient le temps de faire payer des titres et autres produits liés aux jeux. À peine 1% des répondants ont fait savoir que leur studio avait déjà intégré ces devises numériques dans leur système financier.
Dans la même foulée, 70% des répondants au sondage ont mentionné que les NFTs, les jetons non fongibles – des preuves d’achat d’un produit numérique authentifiées à l’aide de la technologie de la chaîne de bloc, une méthode décentralisée permettant d’assurer la transparence et la pérennité lors de transactions –, ne sont pas non plus dans le collimateur des studios.
À l’instar de la question sur la cryptomonnaie, 7% des personnes interrogées ont indiqué que leur studio était « très intéressé » par les NFts, contre 21% disant que leur studio était plutôt « un peu intéressé ».
Les avis semblent aussi profondément diverger lorsque les développeurs ont été invités à s’exprimer plus longuement sur ces deux technologies; si GDC a bien entendu choisi les citations incluses dans son rapport, celles-ci vont de « c’est la vague de l’avenir » à « je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas encore été classé comme système de vente pyramidal », en passant par « je pense que cela va entraîner une profonde transformation de la façon dont nous concevons les biens numériques et la question de la propriété », sans oublier « brûlez tout; ne laissez que des cendres… Bannissez tous ceux qui travaillent dans ce domaine. Je travaille actuellement dans une compagnie de NFTs et je démissionne pour prendre mes jambes à mon cou ».
Encore du travail à faire en matière d’accessibilité
Tout n’est pas gagné lorsque vient le temps d’accroître la proportion de femmes et de personnes issues des minorités dans le domaine du jeu vidéo, une industrie longtemps critiquée pour sa grande majorité d’hommes blancs – avec les problèmes graves qui s’y rattachent.
Selon le rapport de GDC, 57% des répondants ont indiqué qu’au cours de l’année écoulée, les divers studios s’étaient consacrés à des efforts d’inclusion et de promotion de la diversité dans une proportion allant de « modérée » à « très importante », ce qui est légèrement en baisse par rapport aux 60% de participants ayant répondu la même chose en 2021. Cependant, davantage de gens (29%) ont fait savoir que les démarches des studios avaient été « très importantes », comparativement à l’an dernier (21%).
Environ le quart des répondants (24%) ont souligné que leur studio n’avait effectué aucun effort d’inclusion ou de promotion de la diversité.
Toujours dans le domaine de l’engagement social, environ la moitié des studios auraient, l’an dernier, participé « un peu », « dans une proportion modérée » ou « très largement » à divers mouvements de mobilisation, par exemple Black Lives Matter. Quelque 49% des personnes interrogées ont plutôt indiqué que leur employeur n’avait posé aucun geste mobilisateur.
Les réponses sont encore moins positives lorsque vient le temps d’évaluer l’engagement environnemental des studios: 55% des participants ont mentionné que leur studio n’avait rien fait dans ce dossier, qu’il s’agisse de compensation des émissions polluantes, de promotion de la protection de l’environnement, ou d’autres démarches similaires.
De nombreuses entreprises ne font rien contre les abus
Malgré la multiplication des poursuites et des scandales liés à des comportements et environnements toxiques dans l’industrie, notamment sous la forme d’allégations de harcèlement, de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles, y compris chez Ubisoft et Activision-Blizzard, 62% des répondants à l’enquête de GDC ont fait savoir que leur studio n’avait pas pris la peine de communiquer avec ses employés pour aborder le sujet.
Le rapport précise cependant que le sondage a justement été effectué avant l’affaire Activision-Blizzard, et l’acquisition de cette compagnie par Microsoft, annoncée un peu plus tôt cette semaine.
« Personne n’est surpris par les inconduites », a déclaré l’un des développeurs interrogés pour le rapport. « Nous en avons tous vu ou vécu d’une façon ou d’une autre dans notre carrière. »
Enfin, plus de la moitié des répondants (55%) estiment que les travailleurs de l’industrie du jeu vidéo devraient se syndiquer, mais ils ne sont que 18% à penser que cela se fera vraiment; environ la moitié (46%) des personnes interrogées sont davantage dubitatives, contre le quart qui jugent que cette transformation n’aura pas lieu.
À peine le quart des personnes sondées ont indiqué que la syndicalisation avait été évoquée dans leur lieu de travail, contre 62% qui répondent que le sujet n’a pas été abordé.