Un revenu universel garanti ne voudrait pas nécessairement dire que les gens travailleraient moins. Voilà la conclusion d’une série d’expériences comportementales menées par la psychologue cognitive Fenna Poletiek et deux de ses collègues. Ces chercheurs ont également constaté que les personnes recevant un tel revenu avaient plus de chances de trouver un emploi qui leur correspond davantage.
Ces psychologues ont simulé la structure des bénéfices de diverses formes de filet social dans le cadre d’une expérience. « Nous avons des gens qui accomplissent des tâches sur un ordinateur », mentionne l’un des chercheurs. « Lors de multiples séquences, qui représentaient les mois pendant lesquels les participants devaient travailler, ils ont accompli une tâche ennuyante consistant à placer des points sur une barre. Plus ils accomplissaient ce genre de tâche, plus ils gagnaient d’argent. »
Les psychologues ont testé trois « environnements » différents: une absence de filet social, un système d’avantages conditionnels et un revenu universel sans condition. Toujours au dire du même chercheur, « dans le contexte de l’absence de filet social, les participants n’ont pas reçu de montant de base. Dans le cadre des avantages conditionnels, ils recevaient un montant de base, qu’ils perdaient dès qu’ils commençaient à travailler. Et avec le revenu de base garanti, ils recevaient le même montant de base, mais ne le perdaient en commençant à travailler ».
Ce revenu minimum garanti n’a pas réduit la volonté de travailler des participants, soutiennent les psychologues. Et leurs attentes salariales n’ont pas grimpé non plus. « Dans le cadre des discussions à propos des revenus minimums garantis, il est parfois avancé que les gens vont simplement rester là, à ne rien faire, si vous leur donnez de l’argent gratuitement », soutient Mme Poletiek, qui dit n’avoir constaté aucune indication d’un tel effet comportemental.
Démotivant
Le système avec avantages conditionnels s’est avéré posséder un effet négatif sur les volontés de trouver un travail. « Dès que vous avez une situation selon laquelle vous perdez vos avantages si vous commencez à travailler, c’est démotivant », affirme l’un des chercheurs de l’équipe. « Nous avons constaté cela dans le cadre de quasiment toutes les expériences. »
Le phénomène en vertu duquel le fait d’accepter un travail payé entraîne une réduction des bénéfices est bien connu. Toujours au dire de M. Poletiek, « c’est l’inconvénient lorsque vient le temps de faire pression sur des gens pour qu’ils cherchent un emploi. Vous pouvez constater que ce « piège » rend les gens allergiques au risque. Si vous recevez des versements et trouvez un emploi, cela pourrait mener à une situation potentiellement avantageuse, mais aussi incertaine, à l’avenir. Vous n’avez pas cette incertitude si vous gardez vos versements ». Pour éviter ces risques et cette incertitude, certaines personnes ne cherchent simplement pas d’emploi.
De précédents travaux démontrent que les femmes pourraient moins travailler si elles reçoivent un revenu minimum. « Lors d’études sociologiques, vous voyez qu’un revenu minimum garanti est défavorable en ce qui concerne la participation des femmes sur le marché du travail », indique encore Mme Poletiek. Cette dernière, en compagnie de ses collègues, n’a pas constaté l’existence d’une telle différence basée sur le sexe dans leurs propres travaux.
« Cela indique que ce qui a été trouvé dans ces études sociologiques n’est pas uniquement lié au sexe. Cela n’a rien à voir avec l’enthousiasme des femmes pour le travail. Celles-ci gagnent souvent moins que les hommes, et s’occupent de la majorité des tâches domestiques. Voilà pourquoi elles sont davantage portées à échanger un travail pour un rôle domestique si elles reçoivent un revenu minimum garanti. »
Meilleure correspondance
Les psychologues ont aussi découvert que les gens recevant un revenu minimum cherchaient des emplois qui leur correspondaient davantage. « Nous avons évalué si les participants des tests étaient ambitieux, s’ils voulaient s’accomplir le plus possible. Sont-ils prêts à accomplir des tâches stressantes, ou se contentent-ils d’un poste simple, du moment qu’ils gagnent de l’argent? » Cette attitude personnelle envers le travail s’est avérée être un déterminant plus important, en ce qui concerne le type de travail accepté par les participants des tests lorsqu’ils adhéraient au revenu minimum garanti, que lorsqu’ils étaient liés aux deux autres systèmes.
Voilà une nouvelle information importante, affirme Mme Poletiek. Cela pourrait dire que la sécurité offerte par un revenu minimum garanti pourrait fournir de l’espace aux gens pour trouver le travail qui correspond le mieux à leur attitude personnelle, à leurs motivations et à leurs capacités. « Vous auriez alors une meilleure correspondance entre l’employeur et l’employé. Cela serait un avantage pour les employeurs. »