Les astronomes ont poussé plusieurs soupirs de soulagement depuis Noël. Le télescope James-Webb s’est envolé sans encombre le 25 décembre, il a commencé par « déplier », les 4 et 5 janvier, l’écran solaire et la structure métallique du miroir secondaire, puis a « déplié » le miroir principal les 7 et 8 janvier. Le plus dur est maintenant fait, mais ce n’est pas terminé.
Les 18 structures hexagonales du miroir principal — qui sont, littéralement, les yeux du télescope — étaient pliées à la manière d’un origami, seule manière d’embarquer le télescope géant à bord de la fusée Ariane 5. Ainsi que l’écran solaire —destiné à empêcher le télescope de surchauffer lorsqu’il est directement exposé au Soleil. Ainsi que la structure métallique — trois branches de 7 mètres de long au bout desquelles se trouve le miroir secondaire. Tout cela représentait des centaines d’opérations qui devaient être réalisées à la suite les unes des autres — l’écran solaire faisant à lui seul la taille d’un court de tennis.
Sachant que le télescope James-Webb est l’instrument scientifique le plus complexe jamais envoyé dans l’espace, qu’il a coûté 10 milliards$ et que, là où il s’en va, aucun astronaute ne pourra être envoyé pour le réparer si quelque chose tourne mal, les astronomes qui rêvent de lui depuis plus de 20 ans avaient toutes les raisons d’être inquiets.
Le plus dur est fait, ont donc écrit tous les observateurs le 8 janvier. James-Webb poursuit en ce moment sa course vers le point de l’espace où il doit se loger pour (au moins) 10 ans: le point dit L2, ou Lagrange 2, un de ceux où les forces gravitationnelles de la Terre et du Soleil s’annulent. Il devrait y être le 23 janvier, à un million et demi de kilomètres de la Terre.
Par la suite, il restera encore à aligner à la perfection les 18 structures hexagonales, afin qu’elles agissent comme un seul miroir, une opération qui, mine de rien, va prendre des mois. Ce qui veut dire qu’il ne commencera à travailler qu’en mai ou juin prochain.
Avec ses 6 mètres et demi de large, ce miroir principal fera deux fois et demie la largeur du miroir d’Hubble, et devrait pouvoir « récolter » 7 fois plus de lumière. Ce qui lui permettra de voir mieux, et surtout plus loin. Il peut aussi voir dans l’infrarouge, d’où l’importance de le protéger de la surchauffe — et il est en plus doté d’un radiateur pour évacuer la chaleur excédentaire.
Le fait de voir plus loin et dans l’infrarouge offre la possibilité de reculer dans le temps: alors qu’Hubble pouvait remonter jusqu’à 400 millions d’années après le Big Bang, James-Webb est censé pouvoir remonter jusqu’à « seulement » 100 millions d’années et lever le voile sur l’époque de formation des premières étoiles et galaxies. Il devrait aussi être capable de « voir » des trous noirs au centre des galaxies, et des planètes tournant autour d’autres étoiles que la nôtre — et peut-être même détecter l’atmosphère de ces planètes, si elles en ont une.