Les récents vols d’avions propulsés par des carburants verts font miroiter l’espoir d’un avenir plus vert pour l’aviation. Or, prendre l’avion en ne faisant pas exploser son bilan carbone personnel est encore un rêve lointain, relève le Détecteur de rumeurs.
Le bilan environnemental de l’industrie aérienne est peu reluisant. En 2019, celle-ci était à l’origine de 2,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Cela équivaut à près d’un milliard de tonnes de CO2 relâchés dans l’atmosphère, une augmentation de 29 % depuis 2013, selon l’International Council on Clean Transportation (ICCT).
Le transport de passagers par l’entremise de vols commerciaux représente une part disproportionnée des émissions de GES de l’aviation, soit 85 %. Prendre l’avion est d’ailleurs l’un des gestes individuels les plus polluants. Un seul vol transatlantique aller-retour émet environ 1,6 tonne de CO2 par passager. En comparaison, un Québécois produit en moyenne 9,6 tonnes de CO2 par an.
On s’attend à ce que le nombre de passagers double d’ici les deux prochaines décennies. Si l’industrie ne change rien à ses pratiques, elle pourrait à elle seule contribuer au quart des émissions mondiales de GES d’ici 2050, avance l’Organisation de l’aviation civile internationale.
« Verdir » le carburant
Mais des efforts pour faire une différence font leur apparition. L’un d’eux a trait aux carburants fabriqués à partir de matières biologiques, plutôt que fossiles. Ces biocarburants généreraient jusqu’à 80 % moins d’émissions de CO2 sur l’ensemble de leur cycle de vie, par rapport au carburant d’avion standard —celui à base de kérosène, par exemple.
Plusieurs expériences impliquant ces carburants « verts » ont déjà eu lieu. En 2019, un Boeing 787 de la compagnie aérienne Etihad Airways a volé d’Abou Dabi à Amsterdam grâce à un biocarburant à base de salicorne. En 2021, un A350 d’Air France-KLM a réalisé le premier vol long-courrier de la compagnie entre Paris et Montréal avec ses réservoirs remplis à 26 % d’un biocarburant fait d’huile de cuisson usagée.
Encore plus récemment, en décembre, un Boeing 737 d’United a rallié Washington à partir de Chicago avec 100 % de biocarburant dans un de ses deux moteurs. C’est une première : il est normalement interdit d’en utiliser plus de 50 % dans un moteur.
Le prix élevé et la faible disponibilité de ces carburants alternatifs freinent cependant leur adoption à large échelle : seul 0,01% du carburant utilisé par l’aviation, soit 50 millions de litres, a été utilisé de cette façon lors de vols en 2019. L’industrie a ainsi raté son objectif, fixé en 2010, d’atteindre 6 % d’utilisation d’ici 2020.
Utiliser moins de carburant
Une autre approche est celle de l’économie de carburant. Ce ne sont d’ailleurs pas les options qui manquent de ce côté. Les avions commerciaux d’aujourd’hui brûlent déjà moins de carburant que ceux qui volaient dans les années 1960. On parle d’une réduction de l’ordre de 80 % par siège et par kilomètre parcouru, grâce à de meilleurs moteurs. Transporter plus de passagers et de cargaison par vol, opter pour des itinéraires plus directs et voler à des altitudes plus élevées sont aussi des manières d’utiliser moins de carburant.
La palme de l’inventivité revient à Airbus. L’avionneur européen a dernièrement fait voler deux A350 à très petite distance l’un derrière l’autre, soit 3 km, entre Toulouse et Montréal. Le but : que le second avion profite de l’effet de sillonnage du premier, comme dans un peloton cycliste ou dans les formations d’oies sauvages. Cela a permis de réduire la consommation de carburant de l’avion qui profitait de l’aspiration d’environ 5 %, ce qui équivaut à une diminution de 6 tonnes d’émissions de CO2.
Investir dans de nouveaux avions
Les voitures de demain seront de plus en plus électriques. Pourrait-il en être de même pour les avions de ligne? Bien que prometteuse en théorie, la technologie se bute à plusieurs obstacles d’ordre pratique. Les seules batteries lithium-ion d’un hypothétique Boeing 747 mû par l’électricité pourraient décupler le poids de l’appareil.
Il est par ailleurs illusoire de penser convertir l’ensemble des quelque 33 000 avions commerciaux à l’électricité. Comme pour l’automobile, le scénario le plus probable est que seule une fraction de la flotte mondiale pourra être électrifiée, un jour. « Nous sommes loin d’être rendus là », admet un expert de l’ICCT.