Inspiré par son quotidien atypique, Pascal Elbé aborde habilement les enjeux de la déficience auditive dans son plus récent film, On est fait pour s’entendre. À la fois romantique, touchante et teintée d’humour, l’œuvre escorte son public vers la réalité d’un homme qui réapprend à écouter ceux qui l’entourent.
Les prises de bec et les malentendus s’agglutinent autour d’Antoine, (Pascal Elbé) un enseignant auquel on reproche quotidiennement le manque d’attention et d’empathie. Claire (Sandrine Kiberlain), qui, après le décès de son mari, est venue s’installer dans le même immeuble que lui, n’en pense pas moins. L’air arrogant d’Antoine cache toutefois l’homme doux, simplement « un peu dur de la feuille » qu’il est foncièrement. Empreintes du ton humoristique de Pascal Elbé, les 92 minutes de cette comédie permettent aux deux voisins somme toute « faits pour s’entendre » de briser leur solitude.
Immersion
Par le moyen d’effets sonores brillamment orchestrés, Pascal Elbé sait plonger son public dans les souliers, ou plutôt les oreilles de son protagoniste. Cette habileté du réalisateur transparaît lorsqu’Antoine porte ses prothèses auditives pour la première fois. Aussi insupportable pour le personnage que pour l’auditoire, le volume augmente simultanément, laissant entrevoir ce qu’implique d’apprivoiser à nouveau l’effervescence du monde.
La compréhension qu’a Pascal Elbé de la déficience auditive n’est certainement pas étrangère au fait qu’il souffre de cet handicap.
L’humour comme outil
Rien de mieux qu’une touche d’humour pour aborder avec légèreté certains sujets délicats. Comme de fait, le maître de la comédie a su m’arracher plusieurs rires en dédramatisant les péripéties de la déficience auditive. Qu’il s’agisse de mots incompris ou de moments embarrassants, Pascal Elbé trouve le moyen cocasse d’illustrer ces situations, sans pour autant ridiculiser ceux qui en souffrent réellement.
Une de ces scènes comiques me vient en tête : Antoine se trouve dans un ascenseur bondé de gens qui lui indiquent à quel étage ils désirent se rendre. Confus devant les multiples indications dont on le bombarde, il décide d’appuyer sur tous les numéros de l’ascenseur. Ce geste un peu ridicule lui a valut quelques regards critiques des gens autour de lui et un sourire de ma part. Le film s’amorce par ailleurs avec une suite d’événements similaires à celui-ci. Ces petites tranches de vie rigolotes qui se traduisent bien à l’écran s’enchaînent toutefois, en mon sens, à une rapidité excessive. À peine ai-je le temps de profiter de la scène que la suivante débute. Ce rythme rapide, accentué par la musique qui l’accompagne, pose à mon avis, un petit bémol à la réussite de cette partie du film.
De brillants acteurs
Le défaut de rythme est tout de même rapidement compensé par le talent des acteurs. Silencieuse depuis le décès de son père, Violette ( Manon Lemoine), la fille de Claire, développe une relation touchante avec Antoine, qui, isolé par son handicap, semble le seul à la comprendre.
Soulignons les échanges, pourtant presque silencieux, entre ces deux acteurs dont une scène particulièrement touchante révèle le savoir-faire : à la fenêtre de leur appartement respectif, ils entretiennent un dialogue de signes empreint d’une complicité presque tangible grâce aux subtilités des expressions faciales.
En somme, malgré les quelques petits défauts de rythme, l’œuvre de Pascal Elbé enjoint son public à prendre avec humour ses différences plutôt que d’en pleurer. Teinté d’un humour ingénieux, elle sait briser les tabous qui nous isolent les uns des autres en nous montrant qu’au final, nous sommes tous et toutes “ faits pour s’entendre.”