Le scénariste Marc Tessier et treize illustrateurs d’ici combinent leurs talents pour nous offrir René Lévesque : Quelque chose comme un grand homme, une bande dessinée biographique retraçant le parcours de cette figure politique parmi les plus marquantes de l’Histoire moderne du Québec.
Né le 24 août 1922 à Campbellton, René Lévesque a marqué l’histoire du Québec, mais aussi l’imaginaire collectif. Leader politique charismatique qui, bien qu’il ait été adulé comme une rock star, a toujours su garder une grande proximité avec le peuple, qui le surnommait affectueusement « Ti-Poil », Lévesque a ouvert l’esprit des Québécois sur le monde en tant que journaliste, notamment avec l’émission Point de mire, a fait partie de « l’équipe du tonnerre » de Jean Lesage, a participé à la Révolution tranquille, est responsable d’avoir contribué à l’essor économique de la province grâce à la nationalisation de l’hydro-électricité, a fondé le Parti Québécois, a mené le premier référendum, et fût premier ministre de 1976 à 1985, avant de décéder d’une crise cardiaque à son domicile de l’Île des Sœurs, le 1er novembre 1987.
Scénarisée par Marc Tessier, la bande dessinée René Lévesque : Quelque chose comme un grand homme retrace les étapes marquantes du parcours de ce personnage plus grand que nature. De ses années de correspondant durant la Seconde Guerre mondiale, où il sera confronté aux horreurs des camps de concentration et aux chambres à gaz, en passant par la guerre de Corée, où il se fait remarquer par la qualité de ses reportages, et son travail à l’emploi de Radio-Canada, tout d’abord à la radio puis à la télévision à la barre d’émissions comme Carrefour ou Point de mire, la première partie du livre dépeint Lévesque le journaliste vedette, un métier qu’il exercera avec brio jusqu’à son licenciement par la société d’État, qui lui reprochait son militantisme et sa participation active à la grève des réalisateurs.
Le reste de l’ouvrage s’attarde à sa carrière de politicien, alors qu’il joint le parti Libéral de Jean Lesage en 1960. On y découvre les manœuvres électorales peu reluisantes de l’époque, et comment, suite à une tentative d’intimidation d’Arsène Gagné, le député de l’Union nationale dans Laurier, le lutteur Jean Rougeau, qui ne se mêlait habituellement pas de politique, deviendra bénévolement le garde du corps de René Lévesque. Viennent ensuite le dur combat pour la nationalisation de l’hydro-électricité, l’Expo de 1967 et la célèbre déclaration du général de Gaulle sur le Québec libre, la victoire écrasante du Parti québécois en 1976 avec des promesses avant-gardistes comme l’établissement d’un revenu garanti annuel et de garderies gratuites, sans oublier la fameuse nuit des longs couteaux et le rapatriement de la Constitution.
Divisé en treize chapitres, René Lévesque : Quelque chose comme un grand homme présente des récits courts, entre huit et vingt pages chacun, à l’exception de la nationalisation de l’hydro-électricité, un sujet complexe qui a droit à pas moins d’une cinquantaine de pages. Il est évidemment difficile de synthétiser la vie bien remplie de cet homme exceptionnel en seulement 268 pages, mais certains choix éditoriaux sont quand même étranges. La biographie passe outre la fondation du Parti Québécois, le référendum de 1980, ou l’adoption de la Loi 101, mais un chapitre complet est dédié à son accident de voiture dans la nuit du 5 au 6 février 1977, alors qu’il emboutit mortellement un robineux de 62 ans, Gérard Trottier, qui était couché au beau milieu de la rue. Plutôt ardu et verbeux, le volet sur la nuit des longs couteaux se prête assez mal au format de la bande dessinée, mais le reste de l’album résume de façon claire et instructive le parcours de Lévesque.
Chaque chapitre de René Lévesque : Quelque chose comme un grand homme est confié à un artiste différent. Plusieurs styles visuels s’y côtoient, des dessins plus bruts de Jacob Doyon, qui donnent un aspect encore plus cru au camp de Dachau et aux cadavres empilés au-dessus desquels s’agglutinent les mouches, aux illustrations naïves et minimalistes de Blanche, en passant par le trait fouillé et minutieux de Marc Pageau, le fusain très artistique d’Alain Chevarier, la touche caricaturale, proche de Girerd, de Jordanne Mayrand, ou la signature graphique un peu maladroite de Luc Sanschagrin. Il y en a donc pour tous les goûts. Le livre est imprimé en noir et blanc, sauf les magnifiques planches de Christian Quesnel, qui bénéficient de la couleur. L’album contient aussi des illustrations uniques signées par Caro Caron, Siris, ou le défunt Henriette Valium.
Le Québec ne serait pas le même sans l’apport de René Lévesque, un homme ayant passé sa vie à affronter la peur du changement et le statu quo, et peu importe ses allégeances politiques, cette bande dessinée, à mi-chemin entre l’hommage et le cours d’histoire accéléré, constitue une lecture essentielle pour découvrir l’héritage de l’un des plus grands Québécois de l’ère moderne.
René Lévesque – Quelque chose comme un grand homme, de Marc Tessier, Louis Rémillard, Jacob Doyon, Alain Chevarier, Blanche, Marc Pageau, Réal Godbout, Jordanne Maynard, Jean-Pierre Chansigaud, François Donatien, Christian Quesnel, Mathieu Massicotte Quesnel, Luc Sanschagrin et Sophie Bédard. Publié aux éditions Moelle Graphik, 268 pages.