Avouons-le d’emblée, il est un peu dur de critiquer un film aussi « important » que ce nouveau Spider-Man sans tomber dans les divulgâcheurs, au même titre qu’il était impossible pour les studios de le vendre sans brûler quelques mèches. Disons donc seulement qu’à défaut d’être loyalement bien fait, et à moins d’avoir évité internet pour au moins la dernière année, la production ne réserve malheureusement que bien peu de surprises.
Comme la majorité des « grands » Marvel, ce nouveau Spider-Man fait partie d’un tout dont la cohérence et le plaisir n’ont d’égal que la somme de tout ce qu’on a vu jusqu’à présent. S’ajoute à cela le coefficient énorme de plusieurs générations de Spider-Man au grand écran, que beaucoup ont connus en totalité depuis près de deux décennies, donnant enfin une véritable raison d’être à ces nombreux reboot qui ont longtemps été tournés en dérision.
Mieux encore, dans ce qui semble vraisemblablement être la conclusion d’une trilogie qui bénéficie, comme c’était le cas de la première mouture, d’un même réalisateur, on se permet aussi d’augmenter les enjeux et d’approfondir le côté émotionnel, évitant avec bonheur le foutoir du Spider-Man 3 de 2007… Et par le fait même, ne donnant que peu de chance aux interprètes des méchants d’origine de mieux faire valoir leur cause – on pense à Thomas Haden Church encore relégué aux mimiques vocales, plus qu’à une performance véritablement physique.
On se concentre ainsi généralement sur ce qui nous intéresse véritablement. Sauf que dans ce qu’on nous annonçait comme le Endgame des Spider-Man, disons plutôt que c’est d’avantage à son Infinity War auquel on a droit, puisque dans ce qui doit techniquement être la dernière apparition de l’homme-araignée dans le Marvel Cinematic Universe, en plus de laisser grandes ouvertes toutes portes pour de futures suites, c’est ici plus que jamais la possibilité à la productrice Amy Pascal de reprendre en grande pompe ses droits et de rappeler que tout ceci est bel et bien la propriété de Sony d’abord et avant tout.
Ainsi, on a beau surfer sur beaucoup de répercussions directes de ce qui s’est produit au sein des productions de Marvel, en plus de commencer littéralement à la seconde près où l’épisode précédent s’est terminé (pour ceux qui ont écouté le générique au complet, précisons-le), on laisse le plus important aux véritables personnages de la franchise, que ce soit de cet univers ou des autres, en laissant beaucoup plus en retrait les propriétés directes de la compagnie appartenant à Disney.
On s’éloigne de fait des autres entrées de la série, qui leur donnaient à l’inverse de plus en plus de place. On pense par exemple à Robert Downey Jr. en Iron Man ,ou même Samuel L. Jackson en Nick Fury dans les épisodes précédents.
On préfère ici recentrer Peter Parker au cœur de ses propres aventures, permettant à nouveau à Tom Holland de parfaire son jeu nuancé qui, à l’instar de plusieurs de ses récentes apparitions dans les Marvel, lui donne la chance de s’avérer souvent poignant. Au même titre que Zendaya qui, à ses côtés, continue comme lui d’offrir une performance à des lunes du matériel un peu simpliste qu’on leur avait offert dans le premier film. C’était d’ailleurs le seul opus auquel le réalisateur Jon Watts avait collaboré en tant que coscénariste (ils étaient six têtes après tout!), alors qu’ici, comme c’était le cas avec Spider-Man : Far From Home, Chris McKenna et Erik Sommers assument la totalité de la tâche scénaristique.
C’est donc au travers de plusieurs tours de passe-passe et de nombreuses références de diverses natures qu’on trouve le moyen de livrer de savants clins d’œil (et par moments plusieurs des meilleurs gags), sauf que loin de ce que Phil Lord et Chris Miller ont l’habitude de faire, on ne saute que bien peu rarement sur l’occasion de donner dans le meta, n’offrant que le minimum des possibilités du multivers. On tombe alors bien plus bas que les possibilités infinies du sensationnel Spider-Man : Into the Spider-Verse ou même du Lego Batman Movie (auquel avait pourtant collaboré nos scénaristes).
On regrette alors les ambitions démesurées de Marc Webb et sa version amenuisée de ce que semblait suggérer son impressionnant The Amazing Spider-Man 2, alors qu’ici, on ne se donne pas vraiment la chance de donner dans quelque chose de plus grandiloquent, restant toujours un peu trop près de la formule habituelle des films de superhéros, et ressemblant à un melting pot de ce que Marvel ou même DC ont tendance à livrer.
Bien sûr, on trépigne en entendant quelques indices musicaux inusités, mais rarement de quoi véritablement nous rassasier, alors qu’on aurait pu davantage utiliser les thèmes de toutes ces franchises divergentes, un peu comme Michael Giacchino nous en donne un aperçu en s’amusant allègrement avec les thèmes qu’il a composés à la fois pour ses Spider-Man et pour Doctor Strange.
Pour le reste, si l’on touche plusieurs cordes sensibles ici et là avec de jolies émotions, principalement dans le dernier tournant, on regrette un peu la légèreté du très amusant deuxième volet, mais certainement pas ses coins ronds, qu’on évite largement, ici.
On salue aussi la grande qualité visuelle des effets spéciaux, bien que plusieurs des combats s’avèrent chaotiques et pas toujours faciles à suivre, surtout lorsqu’ils ont lieu en pleine noirceur, alors qu’on grince un peu plus des dents au niveau du bruitage qui donne régulièrement un effet forcé aux gestes tout comme aux coups (penser vieux films de kung-fu) donnant un aspect pratiquement cartoonesque qui détonne à ce film qui se prend somme toute assez au sérieux.
Spider-Man : No Way Home se contente au final de faire plaisir, de donner presque uniquement aux fans et aux fidèles, en oubliant de beaucoup les néophytes ou ceux qui voudraient seulement passer un bon moment.
On regrette qu’on n’a pas cherché à en faire plus, ou à donner ne serait-ce que ce petit je-ne-sais-quoi qui aurait pu propulser ce film dans une classe à part. Peut-être que ce sera le cas dans les nouvelles aventures (comme l’histoire semble après tout loin d’être terminée), mais en attendant, on réécoutera Spider-Man : Into The Spider-Verse avec toujours la même satisfaction, ce film n’ayant pas peur d’explorer les mêmes thèmes, voire d’aller encore plus loin.
6/10
Spider-Man : No Way Home prend l’affiche en salles ce vendredi 17 décembre. Plusieurs représentations ont lieu ce jeudi.