Le besoin de réforme, dans les principales démocraties de la planète, est bien présent. Pire encore, dans plusieurs des nations sélectionnées dans le cadre d’une nouvelle étude du Pew Research Center, entre le tiers et la moitié de la population sondée juge que le système démocratique doit être entièrement réformé. Un signal d’alarme troublant pour les dirigeants occidentaux et démocratiquement élus d’un peu partout dans le monde.
Au dire des analystes du Pew Research Center, les résultats du coup de sonde permettent d’établir quatre principes. D’abord, pour bien des gens, le modèle démocratique n’apporte pas les résultats escomptés. Ensuite, si les répondants aiment la démocratie, leur attachement n’est pas à toute épreuve. C’est aussi sans compter le fait que les divisions politiques et sociales amplifient les défis de la démocratie contemporaine, et que les participants à l’étude souhaitent que le public ait davantage son mot à dire quand vient le temps de prendre des décisions et de développer des politiques publiques.
Ainsi, parmi les participants sondés dans 17 pays industrialisés, cette année, une moyenne de 56 % estime que le système démocratique national doit être largement transformé, voire complètement réformé. Cette proportion atteint même 86 % en Espagne, dont 54 % qui jugent qu’une réforme complète est nécessaire. Le pays est effectivement aux prises, notamment, avec un mouvement d’indépendance catalan qui ne s’est que peu ou pas éteint, après un référendum jugé « illégal ».
L’Espagne est aussi toujours confrontée aux traces de la dictature de Franco, dont la présence se fait justement sentir dans la constitution, le même document qui interdit tout référendum d’indépendance.
La Corée du Sud, où les transformations sociales et politiques passent un peu plus sous le radar, mais où les exigences économiques, notamment, alimentent une culture maladive de l’excellence et du surmenage, et où bien des anciens présidents finissent par être accusés, voire condamnés, 46 % des participants réclament une transformation complète du système démocratique, pour un total de 84 % des répondants qui souhaitent des changements majeurs ou totaux.
L’Italie, là aussi un pays à l’instabilité politique notoire, affiche sensiblement les mêmes tendances que la Corée du Sud. Tiraillée entre des courants de droite, voire d’extrême droite, et des pulsions davantage centristes, ou encore progressistes, l’Italie cumule les élections et les scandales politiques depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Viennent ensuite les États-Unis, où là aussi, plus de 85 % de la population réclame des changements majeurs, avec même 42 % qui exigent une refonte complète du modèle démocratique. Le passage de Donald Trump à la Maison-Blanche n’aura fait qu’exacerber une situation sociale, politique et économique poussée à son paroxysme, les républicains et les démocrates étant à couteaux tirés depuis des années, le tout sur fond de changements climatiques et de déficits structurels, avec, en plus, les impacts de la désinformation en temps de pandémie. Cette même désinformation a contribué à créer un cocktail plus que toxique mêlant positionnement à droite sur l’échiquier politique, refus d’écouter les médias traditionnels, et, bien souvent, racisme, antisémitisme et islamophobie notoire.
La France, elle aussi tiraillée par de puissants courants sociaux, politiques et économiques, n’échappe pas au groupe des nations où les appels à la réforme sont de plus en plus puissants, même si moitié moins de répondants y exigent une refonte complète du système démocratique, comparativement aux États-Unis (23 % contre 42 %).
En Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, ou encore en Australie ou en Suède, les répondants exigent des réformes, certes, mais ils ne sont souvent pas majoritaires, ou, du moins, pas quand vient le temps de demander des changements importants. Au Canada, enfin, à peine 8% des répondants veulent une réforme en profondeur, contre 39 % qui souhaitent des changements importants, et 40 % qui ne demandent que des changements mineurs.
Entre demander quelque chose et l’obtenir
Si la majorité des répondants, dans les 17 pays examinés, demandent des changements au fonctionnement du système démocratique de leur pays respectif, entre réclamer des transformations et les obtenir, il semble y avoir un pas important.
Dans 8 des 17 pays sondés, environ la moitié des répondants ont affirmé que leur démocratie devrait faire l’objet de changements importants, mais ont aussi indiqué qu’ils étaient peu confiants envers la possibilité que ces transformations aient bel et bien lieu.
En étant confrontés à de mauvaises conditions économiques, à des scandales et à des systèmes perçus comme étant injustes, les participants au coup de sonde ont vu leur confiance envers la démocratie s’éroder au fil du temps, rapportent encore les analystes du Pew Research Center.
Cela peut conduire à des situations où, par exemple, une proportion médiane de 26 % des répondants jugent qu’un système « où un leader fort peut prendre des décisions sans interférence du Parlement, ou des tribunaux », c’est-à-dire une autocratie, est une bonne façon de gouverner.
Le taux d’approbation passe à 49 % lorsqu’il est question d’une technocratie, soit un pays où ce sont les experts, et non les élus, qui prennent les décisions.
Quant à la dictature militaire, celle-ci trouve des appuis chez 24 % des répondants… Y compris 17 % aux États-Unis, en Italie et en France, pourtant considérés comme des « bastions de la démocratie ».