Les forêts tropicales disparaissent à un rythme alarmant en raison de la déforestation, mais elles possèdent également le potentiel de se remettre à pousser sur les terres abandonnées. C’est ce qu’a démontré une nouvelle étude réalisée par une équipe internationale de chercheurs. Ainsi, la capacité de récupération d’une forêt dépend des précipitations, de l’âge de la forêt, ainsi que des caractéristiques de fonctionnement des espèces d’arbres.
Selon les résultats des travaux, qui ont été publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences, les différences observables dans les forêts tropicales semblent déterminer comment une forêt peut se remettre naturellement dans des champs et terres agricoles abandonnés. Les jeunes forêts sèches et humides, par exemple, possèdent des caractéristiques largement différentes. Elles prennent du mieux de différentes façons, mais celles-ci s’amenuisent avec l’âge.
L’étude offre ainsi un éclairage pour mieux déterminer les espèces d’arbres qui devraient être sélectionnées pour être plantées à des fins de reforestation, et contribuant ainsi au taux de réussite de ce genre de démarche. Cela s’avère particulièrement important, jugent les chercheurs, puisque les forêts tropicales contribuent largement à la biodiversité de notre monde, en plus de stocker du carbone et de filtrer et ceindre des cours d’eau.
À l’échelle de deux continents
Les chercheurs ont employé des données recueillies à partir de 127 000 arbres situés dans 30 forêts tropicales d’Amérique du Nord et du Sud. Lourens Poorter, principal auteur des travaux et spécialiste de l’écologie forestière à l’Université Wageningen, estime que « comparer ces forêts est un véritable défi, puisqu’elles regroupent des espèces complètement différentes. C’est comme comparer des pommes et des oranges. Vous pouvez également comparer des forêts selon les propriétés fonctionnelles des espèces, comme la taille des feuilles ou la densité du bois. Au final, pour la première fois, nous avons été en mesure de comparer de jeunes forêts avec les mêmes normes écologiques, le tout à l’échelle d’un continent ».
« Les aspects fonctionnels influencent la croissance et la survie des espèces, et donc les processus des écosystèmes », a poursuivi M. Poorter.
« En analysant les forêts selon ces caractéristiques, nous pouvons déterminer comment ces forêts sont construites, mais également ce que cela veut dire en termes de fonctionnement. »
Les auteurs des travaux ont ainsi mesuré sept caractéristiques pour chaque espèce. Certains de ces traits sont importants pour la résistance aux sécheresses, comme de petites feuilles, du bois plus dur et la capacité de se débarrasser de certaines feuilles à la saison sèche. D’autres traits sont davantage utiles pour la productivité, comme la capacité de capter l’azote se trouvant dans l’atmosphère, des feuilles minces qui captent la lumière de façon efficace, ainsi qu’une teneur plus élevée en azote dans les feuilles.
Redonner vie aux forêts
De son côté, la coautrice Danae Rozendaal affirme que « nous avons constaté que les forêts humides et sèches possèdent des traits largement différents. Les espèces des forêts humides ont des aspects qui facilitent leur croissance dans un environnement productif et humide, alors que les espèces des forêts sèches sont mieux en mesure de résister aux sécheresses ».
Les avenues pour le développement des forêts varient aussi selon le climat. Les jeunes forêts sèches se transforment principalement avec des traits qui protègent contre la sécheresse, en développant par exemple des feuilles plus petites, alors que les jeunes forêts humides adoptent des caractéristiques qui facilitent la croissance accélérée, puis, par la suite, la capacité de mieux endurer le fait de recevoir moins de soleil.
De telles connaissances peuvent servir à encourager la reforestation, comme l’affirme une autre coautrice de l’étude, la Brésilienne Catarina Jakovac: « Les efforts pour favoriser la reforestation devraient idéalement s’appuyer sur la régénération naturelle, puisqu’il s’agit d’une solution peu coûteuse et naturelle pour restaurer les écosystèmes, avec les gains les plus importants en matière de biodiversité, et de fonctionnement et de services des écosystèmes. »
« Cependant, lorsque le terrain est trop dégradé, la plantation d’arbres peut stimuler la succession des forêts. »
Dans les forêts sèches, les auteurs des travaux recommandent de planter des espèces qui résistent à la sécheresse, et des espèces à la croissance rapide dans des forêts humides. Il est aussi fortement suggéré de combiner les espèces aux traits différents, quand vient le temps de mélanger espèces jeunes et plus matures, afin d’assurer une diversité importante.