Pendant que l’élection présidentielle de 2022 se dessine doucement en France, aucun des candidats déclarés ne semble à l’abri d’éventuelles révélations médiatiques qui pourraient tout faire basculer. C’est en effet par la presse que le scénario des précédentes campagnes a été bouleversé. Retour sur ces « affaires » qui ont rebattu les cartes.
2017, le Penelopegate
Si personne n’avait prédit sa victoire à la primaire des Républicains en 2016, François Fillon, ex-premier ministre durant l’intégralité du quinquennat de Nicolas Sarkozy, l’emporte haut la main. Lui qui a été député, président du conseil général des Pays de la Loire, ministre à plusieurs reprises sous les présidences de François Mitterrand ou de Jacques Chirac ou encore sénateur se lance dans la campagne. « Il n’y a qu’une seule chose qui m’empêcherait d’être candidat […] c’est si j’étais mis en examen », déclare-t-il lors du journal télévisé de 20h sur TF1.
Une affirmation qui finira par le rattraper. Dans son édition du 25 janvier 2017, à trois mois du premier tour des présidentielles, Le Canard enchaîné, hebdomadaire satirique rompu aux enquêtes politiques, révèle pour la première fois que l’épouse du candidat, Pénélope Fillon, aurait été rémunérée durant de nombreuses années comme attachée parlementaire à l’Assemblée nationale auprès de son mari (ou de son suppléant) pour un montant de 710 000 $. Un travail dont le journal n’a pas trouvé de trace et qui fera tout basculer pour l’ex-premier ministre. « Lorsqu’on sort une info comme ça, c’est toujours excitant », révélait l’ancien rédacteur en chef du Canard enchaîné, Louis-Marie Horeau sur France 2. Sur cette lancée, une deuxième affaire sort : un second emploi fictif dans une revue littéraire détenue par un ami milliardaire du candidat pour lequel Pénélope Fillon aurait touché 7100 $ par mois durant plus d’un an, alors qu’elle n’y a publié que deux notes de lecture.
Malgré sa défense, François Fillon voit la machine judiciaire lancée. Il crie au complot et déclare en février : « Ces attaques ne sortent pas de nulle part. Elles ont été soigneusement préparées. Elles ont été mijotées dans les arrière-cuisines ». Le parquet national financier le met en examen dès 1er mars 2017, mais François Fillon choisit de continuer sa campagne, quitte à pénaliser sa famille politique. Le 23 avril 2017, au premier tour de l’élection présidentielle, celui que tout le monde voyait gagner quelques mois plus tôt, finit 3e avec 20 % des suffrages, laissant Marine Le Pen et Emmanuel Macron s’affronter au second tour.
Le 29 juin 2020, François Fillon avait été condamné à cinq ans de prison dont deux fermes et 533 000 $ d’amende. Même montant pour sa femme, qui elle avait été condamnée à trois ans de prison avec sursis. Leur procès en appel se tient actuellement à Paris.
2012, l’affaire du Sofitel
En 2011, un an avant l’élection présidentielle, Dominique Strauss-Kahn, dit « DSK », est le grand favori des sondages. Ancien ministre et député socialiste, il est alors à la tête de la prestigieuse institution du Fonds monétaire international quand tout à coup, les chaînes d’informations en continu diffusent des images de lui, menotté, à New York. L’incompréhension est totale de l’autre côté de l’Atlantique tant sa candidature était attendue.
Les caméras du monde entier sont alors braquées sur l’hôtel Sofitel de Manhattan où une femme de chambre, Nafissatou Diallo, accuse l’homme politique de tentative de viol. « Dès le départ, j’ai su que cette affaire allait faire de tour du monde », confiait dans une série sur Netflix le commissaire chargé des relations publiques de la police de New York, Paul Browne. Et la saga judiciaire commence. Le bureau du procureur Cyrus Vance engage une procédure pénale contre Dominique Strauss-Kahn (qui plaide « non coupable ») pour sept chefs d’accusation dont acte sexuel criminel, tentative de viol, abus sexuel et séquestration. Mais en quelques semaines, la parole de la victime présumée est remise en cause par des zones d’ombres sur son parcours personnel et ses fréquentations. Le bureau du procureur patauge et DSK recouvre sa liberté et sa caution début juillet. La procédure pénale est abandonnée en août après que le procureur a fait part de ses doutes sur la crédibilité de la plaignante. Une procédure au civil restait en cours. Plus d’un an après les faits, un accord amiable est signé, mettant fin à cette dernière.
En France, l’impact est retentissant. Alors qu’en février 2011, un sondage de l’institut d’études d’opinion CSA donnait Dominique Strauss-Kahn grand vainqueur de l’élection à 61 % contre Nicolas Sarkozy, quatre mois plus tard 72 % des lecteurs du Figaro répondaient « non » à la question « Connaîtra-t-on un jour la vérité sur l’affaire DSK ? »
Il démissionne du FMI et sa candidature à la primaire socialiste est ainsi corrompue laissant le champ libre à François Hollande (qui remportera l’élection face à Nicolas Sarkozy avec 51,64 % des suffrages exprimés). D’autres affaires ressortent, comme une enquête interne ouverte pour harcèlement au FMI, révélée par le Wall Street Journal en 2008. Ou la plainte pour tentative de viol qui aurait eu lieu en 2003, déposée par Tristane Banon et classée sans suite.
En 2020, Netflix consacrait une série documentaire sur cet évènement qui a tout fait basculer : Chambre 2806 : L’affaire DSK.
1981, les diamants de Bokassa
Alors que Valéry Giscard d’Estaing (VGE) est en fin de mandat présidentiel, le journal Le Canard enchaîné publie une note révélant que le président de la République aurait reçu en cadeau une plaquette de diamants de trente carats de la part de son homologue et ami centrafricain Jean-Bedel Bokassa. Cette note date de 1975, lorsque VGE était alors ministre des Finances. Claude Angeli, co-auteur de l’article, se souvient sur Franceinfo : « C’est quand même une affaire où vous avez trois personnages absolument extraordinaires : le président le plus jeune que la France ait connu, Bokassa qui est un ancien de la coloniale, qui est devenu général et ensuite maréchal et qui a organisé un sacre payé par la France, c’est-à-dire par le contribuable français, avec l’autorisation de Giscard. Et ensuite, la valeur mythique : le diamant. Ce n’est pas un cadeau ordinaire, ce n’est pas un beau masque africain que l’on offre à un président français ». Un présent d’une valeur estimée à un million de Francs à l’époque (220 000 $CAN).
L’affaire faire grand bruit dans les médias malgré l’absence de réaction du président, pas encore officiellement campagne pour sa réélection à la présidentielle de 1981. Il faudra attendre plus d’un mois pour qu’il prenne la parole sur l’ancienne chaîne de télévision Antenne 2. « J’oppose un démenti catégorique et méprisant », affirme-t-il alors. Pourtant, en septembre 1980, Le Canard enchaîné persiste et publie une interview de Bokassa : « Vous ne pouvez pas imaginer ce que j’ai remis à cette famille-là », sous-entendant plusieurs remises de diamants, mais aussi la mise à disposition de territoires de chasse.
En janvier 1981, VGE se maintient encore dans les sondages. En mars, il est candidat à un deuxième septennat et explique que ces « pierres » ont été vendues « au profit de la Croix rouge centrafricaine, d’une maternité, d’une pouponnière et d’une mission » pour une somme bien moins importante, mais il est alors déjà trop tard. Ses affiches de campagne sont détournées avec des diamants à la place des yeux. Le 10 mai, c’est François Mitterrand qui remporte le suffrage avec 51,76 % des voix. Quelques jours plus tard, Valéry Giscard d’Estaing prononce son discours de fin de mandat et quitte son bureau d’un célèbre « Au revoir » clôturant aujourd’hui de nombreux bêtisiers de Noël.
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