Un triple programme parmi ce que l’on fait de mieux en danse contemporaine aujourd’hui : le spectacle proposé par Ballet BC au Théâtre Maisonneuve est absolument remarquable et constitue une parfaite initiation pour ceux et celles qui n’auraient pas encore conscience des trésors que peut comporter cette forme d’art.
Laquelle de ces trois pièces a-t-on préférée? impossible de le dire, alors que les trois sont tellement différentes avec pour seuls points communs la virtuosité des danseurs et le génie de leurs chorégraphes.
Le spectacle débute par Garden une pièce du chorégraphe Mehdi Walerski, directeur artistique de Ballet BC. Derrière le rideau qui se lève, une immense pièce de tissus, sorte de drap souple qui ressemble parfois à la voile d’un navire, ne laisse apercevoir que le haut du torse d’une danseuse. Cette pièce de tissus révèle ensuite dix artistes, cinq hommes et cinq femmes revêtus de tenues moulantes couleur chair. Sur la délicate musique de Camille Saint-Saëns, son piano et ses instruments à cordes, des duos romantiques et élégants se déploient sur un sol lumineux. Les entrées et les sorties des danseurs dans une course légère et coordonnée sont superbes. La chorégraphie qui engage toutes les parties du corps dans une facture presque classique donne l’impression que les artistes possèdent des bras démesurés. Chaque scène forme un tableau magnifique et particulièrement émouvant.
Cette première partie remarquable du programme laisse le spectateur perplexe sur ce qui peut suivre et qui risque forcément de le décevoir. Mais c’est loin d’être le cas.
Après un court entracte, la scène est laissée à l’incroyable chorégraphe Crystal Pite et sa pièce The Statement sur un scénario signé Jonathan Young. Quatre danseurs en tenues de ville de jeunes cadres se réunissent autour d’une table pour une réunion de travail musclée. Les conversations vont bon train et sont très animées, mais les danseurs et danseuses ne bougent pas leurs lèvres et accomplissent, au lieu de cela, des prodiges en matière de langage non verbal. Ici, la musique est remplacée par les dialogues sur lesquels les artistes exécutent leurs prouesses. Par contraste avec la tension dramatique de la réunion, l’humour, bien sûr, s’invite autour de cette table et l’ensemble est d’une beauté et d’une créativité époustouflantes.
Un nouvel entracte laisse ensuite la place à un troisième volet magnifique pour cette soirée. Bedroom Flok, des chorégraphes Sharon Eyal et Gai Behar vibre au rythme d’une musique presque mécanique. Les 12 danseurs, revêtus de juste au corps dont la couleur noire semble changer au gré des très beaux éclairages, forment un ensemble presque compact, un seul corps composé de plusieurs éléments dont régulièrement l’un s’anime autrement et fait désordre. Ce troisième volet du spectacle propose lui aussi des tableaux magnifiques et non dénués d’humour. Si le comique est bien du mécanique plaqué sur du vivant, le côté mécanique des groupes de danseurs qui se resserrent et se déploient dans de savantes chorégraphies devient encore plus spectaculaire et particulièrement intéressant par son élément à chaque fois discordant.
On est impressionné par la variété, la beauté et les émotions que savent susciter ces artistes chez les spectateurs. Voilà bien un spectacle qu’il ne faut pas manquer, qu’on aime ou qu’on soit encore hésitant à assister à des spectacles de danse contemporaine.
Garden de Mehdi Walerski, The Statement de Crystal Pite et Bedroom Folk de Sharon Eyal et Gai Behar, du 1er au 4 décembre 2021 au Théâtre Maisonneuve