L’exposition à l’automatisation a mené à une croissance de l’appui pour les partis d’extrême droite en Europe de l’Ouest, entre la fin des années 1990 et 2016, selon une nouvelle étude publiée par des professeurs de l’Université Bocconi, en Italie, Massimo Anelli, Italo Colantone et Piero Stanig.
Selon ces chercheurs, les individus qui, en raison de leurs caractéristiques et celles du marché du travail au sein duquel ils évoluent, sont davantage exposés à l’automatisation et à ses conséquences, sont bien plus portés à voter pour l’extrême droite. La différence peut ainsi atteindre 3,5 points de pourcentage en matière d’intentions de vote, un effet particulièrement marqué, si l’on tient compte du fait que l’appui pour cette orientation politique, au sein du groupe examiné, tourne autour de 5 %.
Dans les régions avec une différence près de la moyenne entre les personnes fortement et peu exposées à l’automatisation, comme la Lombardie, en Italie, en 2006, les différences dans les intentions de vote pour l’extrême droite peuvent atteindre trois points de pourcentage.
Si l’exposition varie plus largement chez les travailleurs, comme dans le nord de la France, en 2002, l’une des zones les plus polarisées en matière de chocs provoqués par l’arrivée des robots et autres processus automatiques dans le monde industriel, la différence dans les intentions de vote va jusqu’à six points de pourcentage, affirment les chercheurs.
Au dire de ces derniers, d’ailleurs, les personnes exposées au choc de l’automatisation doivent ainsi endurer des conditions économiques plus difficiles, ont moins de chances d’obtenir un poste permanent, et sont moins satisfaits de leur gouvernement et de la démocratie en général.
De façon importante, la relation entre la vulnérabilité face à l’automatisation sur le marché du travail, et l’appui envers l’extrême droite est jugée comme étant indépendante des autres facteurs qui sont généralement liés à l’intention de voter pour un tel parti, comme l’opposition à l’immigration, le traditionalisme, ou encore l’impression que son statut social est menacé.
Les travaux, intitulés Individual Vulnerability to Industrial Robot Adoption Increases Support for the Radical Right, ont été publiés dans le magazine spécialisé PNAS.
Conséquences de la mondialisation?
Les auteurs ont utilisé des données sur les travailleurs recueillies dans le cadre de divers sondages. Ils s’appuient par ailleurs sur plusieurs facteurs: la composition des marchés de l’emploi dans différentes régions européennes avant la multiplication récente des robots industriels, la capacité d’automatisation des emplois, le niveau de formation des individus, leurs caractéristiques démographiques, et le rythme de l’adoption des robots dans un pays donné à n’importe quel moment.
Les professeurs Colantone et Stanig ont déjà étudié la montée du nationalisme économique en Europe, et ont jusqu’à présent isolé l’importance de la mondialisation et de la concurrence en matière d’importation.
Avec leurs nouveaux travaux, ils disent être en mesure de faire la lumière sur un autre facteur explicatif, soit l’adoption des machines. Et comme le souligne le professeur Colantone, bien que la mondialisation et l’automatisation « font augmenter la croissance économique et contribuent au progrès de notre économie et de notre société, ce sont des facettes d’un changement structurel qui détermine des conséquences en matière de distribution: plus simplement, c’est une question de gagnants et de perdants. Cela entraîne des impacts politiques négatifs. De façon plus précise, nos travaux démontrent que les perdants de la mondialisation et de l’automatisation tendent à démontrer des comportements similaires au moment de passer dans l’isoloir pour voter ».
Malgré tout, affirme encore le professeur, il existe un bon côté des choses. En effet, dit-il, si la concurrence en provenance des pays en développement a mené au déclin de quartiers industriels complets, l’automatisation a permis aux entreprises de se développer: « Les compagnies qui adoptent des robots sont des compagnies dynamiques, qui ont du succès, et donc, au moins en principe, produisent des ressources qui peuvent être utilisées pour financer des politiques de redistribution, ainsi que la restructuration des économies régionales. Nous pouvons donc être optimistes en ce sens. »