Se voulant une suite au film culte de 1992, le Candyman produit et scénarisé par Jordan Peele, une figure montante du cinéma d’horreur, est maintenant disponible en 4K, Blu-ray et DVD.
Anthony McCoy est un artiste visuel afro-américain ayant obtenu une certaine reconnaissance par le passé. En manque d’inspiration depuis près de deux ans, le peintre décide de se plonger dans l’histoire de Cabrini-Green, un quartier pauvre de Chicago en pleine transformation suite aux effets de la gentrification. Il découvre alors l’histoire de Sherman Fields, un homme avec un crochet en guise de main droite qui distribuait jadis des bonbons aux enfants. Après avoir été froidement abattu en 1977 par des policiers pour un crime qu’il n’a pas commis, Fields a donné naissance à une légende urbaine, celle de Candyman. La rumeur dit que si l’on prononce son nom cinq fois devant un miroir, ce dernier apparaît et tue la personne l’ayant convoqué.
Fasciné par ce simple fait divers, Anthony semble retrouver le feu sacré et se met à produire toute une série de toiles inspirées de cette légende urbaine, mais peu à peu, plusieurs personnes, à commencer par le propriétaire de la galerie d’art où il expose ainsi qu’une critique écrivant un article sur ses œuvres, trouvent la mort dans des circonstances nébuleuses. Se sentant responsable de cette vague de violence aussi subite qu’inexplicable, l’artiste torturé s’engagera dans une trajectoire dangereuse, et en viendra à la conclusion qu’en dépoussiérant ce mythe oublié à travers ses tableaux, il a ressuscité le monstre ayant semé la terreur dans Cabrini-Green à la fin des années 1970.
À une époque où l’horreur était dominée par Freddy, Jason Voorhees ou Michael Myers, Candyman s’est rapidement hissé au statut de classique du genre en présentant le premier vrai croquemitaine Noir, et ce nouvel opus (qui fait abstraction de Candyman: Farewell to the Flesh et de Candyman: Day of the Dead), se veut une suite directe à l’œuvre parue en 1992. La réalisatrice respecte à la lettre la mythologie d’origine en plaçant son action dans le même quartier de Chicago, en reliant son intrigue à celle d’Helen Lyle, le personnage principal du premier film, et en reprenant le leitmotiv des abeilles (tout comme la fameuse chanson-thème de Philip Glass), mais le résultat est franchement moins bon que le long-métrage dont il s’inspire.
Les films utilisant l’horreur pour passer un message social comptent parmi mes préférés, mais il faut savoir doser les choses pour que ce genre d’œuvre ne devienne pas un pamphlet militant dissimulé sous le couvert du divertissement, un équilibre que rate complètement ce nouvel opus. Quand le personnage d’Anthony McCoy sursaute à la simple vue d’une voiture de police, c’est une façon subtile d’illustrer les abus quotidiens auxquels sont soumis les Afro-Américains. Que toutes les victimes soient des Blancs (ce qui n’était pas le cas du Candyman original) et que le croquemitaine aille jusqu’à « punir » les policiers à la fin, ça l’est beaucoup moins, et c’est là le problème principal du long-métrage, qui souligne sans cesse (et à grands traits) qu’il s’agit d’une allégorie sur le racisme systémique dans une Amérique post-George Floyd.
Le Candyman de Nia DaCosta est techniquement mieux réalisé et propose une cinématographie assez léchée, mais la cinéaste délaisse le romantisme et le côté onirique ayant fait le charme de l’original, ce qui diminue sa portée. On ne voit la silhouette du croquemitaine qu’à travers les reflets des miroirs ou des surfaces réflectives, ce qui produit quelques scènes saisissantes, alors que les victimes sont soulevées et dépecées par un ennemi invisible. Le long-métrage utilise des séquences en ombres chinoises pour illustrer les flashbacks, un procédé intéressant, mais un peu trop surexploité. Le film semble d’ailleurs vouloir escamoter complètement l’horreur plutôt que l’assumer, et la majorité des actes de violence se déroulent hors-cadre.
Manifestant à merveille la déchéance, autant mentale que physique, dans laquelle sombre progressivement le personnage d’Anthony McCoy, la performance de Yahya Abdul-Mateen II (qu’on a pu voir dans la série Watchmen) est sans doute la plus solide du long-métrage. Jouant sa conjointe, Teyonah Parris (WandaVision) est correcte, mais sans plus. Michael Hargrove interprète Sherman Fields, l’homme au crochet ayant donné naissance à la légende moderne, mais son Candyman n’est jamais aussi suave que celui de Tony Todd, loin de là. C’est sans doute ce qui explique que son rôle soit aussi secondaire dans cette version. Colman Domingo (Fear the Walking Dead) fait aussi partie de la distribution, ainsi que Vanessa Williams, qui reprend le personnage qu’elle incarnait dans le Candyman original.
La version haute définition de Candyman inclut le long-métrage sur disques Blu-ray et DVD, et s’accompagne d’un code donnant accès à une copie numérique. En plus d’une finale alternative et de trois scènes inédites ou présentées en version étendue, l’édition compte aussi sept revuettes. Dans la première, Nia DaCosta, Jordan Peele et les acteurs principaux parlent de la violence raciale sous-tendant le scénario (comme si on était trop obtus pour l’avoir compris). Les autres abordent les maquillages, la trame sonore, le choix de Cameron Spratley et Sherwin Ovid pour réaliser les toiles que l’on voit dans le film, l’approche de la réalisatrice, et le travail de la compagnie Manual Cinema responsable des scènes en ombres chinoises. On retrouve finalement un panel d’une vingtaine de minutes traitant du cinéma d’horreur afro-américain.
Alors que le scénario original de Clive Barker abordait les mêmes questions de racisme de manière beaucoup plus subtile, Candyman martèle sans cesse son propos social, insultant l’intelligence des cinéphiles au passage. Il s’agit d’une suite un peu décevante de la part de Jordan Peele, qui nous a habitués à beaucoup mieux avec des films comme Get Out et Us.
6/10
Candyman
Réalisation: Nia DaCosta
Scénario: Jordan Peele, Win Rosefeld et Nia DaCosta (d’après la nouvelle de Clive Barker)
Avec: Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett, Colman Domingo, Kyle Kaminsky, Michael Hargrove et Vanessa Williams
Durée: 90 minutes
Format : Combo Pack (Blu-ray, DVD + copie numérique)
Langue : Anglais, français et espagnol