Documentaire biographique présenté en première canadienne lors du festival Cinémania, Jane par Charlotte est réalisé par Charlotte Gainsbourg, qui capture en images sa mère Jane Birkin. Une mise à nu sobre, des souvenirs, des confidences, des réflexions : elles sont un mystère l’une pour l’autre et elles sentent que le temps joue contre elles maintenant que la matriarche est malade.
Le titre de ce docu-biographie s’inspire de Jane B. par Agnès V., un film d’Agnès Varda datant de 1988. Ne puisant dans le même registre, Gainsbourg n’a gardé de Varda que le titre : le portrait qu’elle dresse de Birkin est plus privé. Il s’agit d’une conversation plutôt qu’une entrevue. Jane par Charlotte parle presque autant de l’une que de l’autre. Il faut déjà connaître un peu les deux artistes pour apprécier ce film à sa juste valeur puisque la narration sélective prive le spectateur d’informations parfois nécessaires à la compréhension des deux protagonistes.
Difficile de croire que mère et fille se sont toujours trouvées intimidantes et pourtant, c’est ce qu’on apprend dès le début du film. Elles partagent bien plus qu’un simple lien mère-fille. De la timidité et de la gêne malhabile des premiers instants, ce documentaire qui s’échelonne sur quelques années chasse peu à peu la pudeur qui distancie les deux femmes.
Il s’agit du premier long-métrage de Charlotte Gainsbourg qui porte normalement le chapeau d’actrice ou de chanteuse. Dans le film, l’approche est naturelle, sympathique, sobre. Une sobriété qui sied bien à l’une comme à l’autre. Pendant qu’elle croque sa mère sur le vif, elle comprend qu’il faut construire le documentaire au fur et à mesure plutôt que de mettre des balises bien définies. Le scénario n’est pas trop établi d’avance et se heurte aux hasards.
Gainsbourg s’abreuve aux confidences de l’iconique Birkin, on la sent qui essaie d’être comme sa mère, curieuse de tout, sans filtre. Le discours se détend peu à peu. La caméra de Charlotte Gainsbourg se dépose délicatement, quasi amoureusement sur sa mère. C’était un exercice inédit pour les deux femmes et c’est un moment privilégié auquel le spectateur assiste.
Au fil de la vie
On les voit dans la maison de Birkin en Bretagne, sur un toit d’édifice new-yorkais, au Japon en tournée, dans l’appartement de Serge Gainsbourg à Paris. D’ailleurs, ce logement figé dans le temps a des airs de musée pour Birkin qui y a vécu durant 12 ans, mais qui n’y était jamais retournée.
Pas plus qu’elle n’a visionné les vidéos de famille depuis la mort tragique de Kate, sa fille aînée qu’elle a eue avec le compositeur John Barry. L’icône a eu sa seconde fille Charlotte durant sa relation avec le chanteur Serge Gainsbourg, puis Lou avec le réalisateur Jacques Doillon. On mentionne toutefois rarement Lou dans le documentaire.
Toutes deux évoquent également à quelques reprises le rapport à l’âge. Tandis que Birkin vieillissante a un peu de mal à se reconnaître, Gainsbourg craint la maladie de sa mère. Le film se termine avec Jane qui marche sur la plage près de sa résidence en écoutant une bande sonore enregistrée par Charlotte. La muse est émue, l’enfant aussi. Peut-être était-ce la gêne de déclarer ouvertement son amour et son attachement à sa mère. L’étreinte finale à la suite de cette séquence est tout à fait poignante.
Un cadeau que s’est offert Charlotte Gainsbourg
Présenté hors compétition au Festival de Cannes de 2021, Jane par Charlotte ne se veut pas un chef-d’œuvre cinématographique. Un peu brouillon, un peu épars, cet opus éminemment intimiste dévoile les femmes derrière les artistes. Gainsbourg n’aurait pas pu faire autrement. Elle voulait se rapprocher de sa mère. C’est en quelque sorte un cadeau qu’elle s’est offert en documentant le présent et le passé de Jane Brikin.
Jane par Charlotte: c’est doux, c’est beau, c’est inégal, ce n’est pas inoubliable et c’est infiniment personnel. Il y a un aspect contemplatif, une certaine sagesse qui émane de ce documentaire de près de 90 minutes. Loin de la perfection, le spectacle auquel on assiste en visionnant Jane par Charlotte est celui d’une touchante réalité qui plaira aux personnes qui apprécient ces deux artistes.
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Jane par Charlotte
France | 1 h 28 | 2021