Les choses se présentent de plus en plus mal pour Didier Raoult, avec ces nouvelles accusations de falsifications des résultats autour de l’hydroxychloroquine, accusations émanant cette fois de l’intérieur même de son établissement. Mais en filigrane, se posera une autre question: si ces accusations sont vraies, comment le chercheur a-t-il pu tenir le coup aussi longtemps avec ces méthodes?
Il est certain que ces « révélations » ne sont pas entièrement nouvelles. Dès le 7 avril 2020, le magazine français Médiapart, celui à qui on doit les plus récents témoignages, révélait des zones d’ombres entourant le célèbre professeur, des résultats scientifiques biaisés et des « financements opaques ». Le magazine L’Express a également publié en juillet et en octobre des reportages faisant état d’entorses à la loi et à l’éthique dans des « dizaines d’études » — sur des mineurs, des sans-abri, des étudiantes — remontant à avant la pandémie. Une enquête judiciaire pourrait être déclenchée à ce sujet.
Cette fois, les journalistes ont pu obtenir le compte rendu d’entretiens menés avec plus de 10 employés sur leurs conditions de travail au sein de l’Institut hospitalo-universitaire de Marseille (IHU), dont Raoult est le directeur. La garantie de l’anonymat lors de ces entretiens organisés par des institutions indépendantes de l’IHU, aurait apparemment délié les langues sur le « climat de terreur » qui régnait, la crainte de représailles et même la « crainte d’être physiquement pris à partie ». L’arrivée ces derniers mois d’une nouvelle direction à l’IHU, indépendante de Raoult, aurait aussi contribué à un changement d’atmosphère.
La falsification dont il est question aurait eu pour but d’obtenir à tout prix des résultats favorables à l’hydroxychloroquine. Raoult est ainsi accusé d’avoir biaisé les résultats de tests PCR —les tests qui permettent de savoir si une personne est porteuse du virus ou non. Ainsi, lit-on dans Médiapart, en modifiant les critères du test PCR d’un endroit à l’autre, une personne pouvait être déclarée négative à Marseille et positive à Nice, ce qui contribuait à « gonfler » les résultats encourageants chez les patients qui avaient été traités à l’hydroxychloroquine, par rapport à ceux qui ne l’avaient pas été.
Autrement dit, « les deux groupes de patients ont donc été analysés avec des critères différents pour permettre de conclure faussement à l’efficacité de la molécule ».
Il est aussi question d’un logiciel mis en place par Raoult pour automatiser la déclaration des résultats, « sans avoir été validé par les médecins biologistes ».
Il y a 11 mois, le Conseil national de l’Ordre des médecins s’était associé à une plainte déposée par un ordre régional: on y accusait entre autres Didier Raoult d’avoir enfreint le code de déontologie en faisant la promotion de l’hydroxychloroquine contre la COVID (d’autres manquements à l’éthique figuraient aussi sur la liste). Son audition a eu lieu le 5 novembre, et une décision doit être rendue le 3 décembre.
Rappelons que depuis l’an dernier, il y a eu plus de 200 études cliniques à travers le monde sur l’hydroxychloroquine: presque toutes ont conclu que le médicament n’avait pas plus d’impact qu’un placebo. Ce nombre énorme de recherches a d’ailleurs été un problème en soi, puisque l’engouement pour ce médicament a détourné des fonds de recherche qui auraient pu être utilisés à d’autres fins dans la lutte contre la pandémie.