Un mime désespéré, c’est un peu comme un clown désormais toujours triste de ne plus faire rire aucun enfant, ni petit ni grand. L’art du mime est pourtant très certainement à la base de tous les autres arts de la scène, le maître absolu de l’interprétation dans la mesure où il se passe du langage et n’engage que le corps, en y incluant toutes les expressions du visage. Et c’est tout à fait vrai dans le cas du spectacle Suicide d’un mime à l’italienne.
C’est l’histoire véridique du suicide d’un mime italien à Rome en 2003 qui a inspiré le très beau spectacle proposé au Théâtre aux Écuries par la compagnie torontoise Bad New Days. Suicide d’un mime à l’italienne met en scène quatre merveilleux mimes accompagnés par un musicien platiniste qui fusionne jazz, électro et chant polyphoniques traditionnels.
À travers différentes petites saynètes, toujours drôles, tristes et touchantes à la fois, les personnages mettent en scène ce qui a pu causer le désespoir de ce mime et le pousser à mettre fin à ses jours. Dans le spectacle on le voit prendre son envol du haut d’un immeuble, avec le vent qui agite ses vêtements dans sa chute; une chute qui le fait magiquement disparaître dans le ciel sans infliger aux spectateurs le malaise de sa mort. Car n’est-ce pas cela, justement, la magie du mime? N’offrir que la poésie et la beauté, même s’il s’agit d’interpréter les plus grandes tragédies…
Dans une esthétique qui s’inspire de la Commedia dell’arte avec le personnage désuet du Pierrot et de sa lune ou d’Harlequin, mais aussi avec des couleurs et des personnalités contrastées issues du monde du cirque et qui rappellent certains grands tableaux de Watteau et de Picasso, le mime désespéré se sent totalement incompris. On le rapproche sans arrêt de Marcel Marceau, sans doute le mime le plus célèbre, mais pas non plus le seul, et on lui réclame jusqu’à l’aversion la scène du personnage enfermé dans sa boite invisible. Pour montrer que le mime n’en est pas réduit à cette scène, un vieux disque vinyle d’un nocturne de Chopin en complète le caractère désuet, mais quand même toujours aussi magique et touchant.
Et le génie de la pièce est justement de jouer sur tous les clichés à coup de mimes qui démontrent à quel point cet art est riche et injustement négligé. Mise en abyme par l’art du double entre l’individu et celui qui le singe, art poétique qui renvoie au ciel nocturne et à la féérie de la lune, art inutile comme le sont tous les arts et en particulier la jonglerie, le funambulisme ou les autres disciplines circassiennes… à moins que les arts, au contraire, loin d’être inutiles ne soient des plus indispensables à la vie.
On rit beaucoup dans ce spectacle traversé par l’autodérision et un humour intelligent et délicat. On rêve aussi et l’on comprend à quel point il est dommage d’être privé de cet art injustement malaimé.
Le mime met en jeu le corps qui pense – en particulier sur lui-même – et qui accueille génialement l’interprétation dans le sens le plus noble du terme. Le mime est un don de soi et c’est ce qui le rend tellement émouvant.
Suicide d’un mime à l’italienne, du 9 au 12 novembre 2021 au Théâtre aux Écuries
Production: Bad New Days
Directeur artistique: Adam Paolozza
Producteur créatif: Victor Pokinko
Texte, interprétation et mise en scène: Adam Paolozza
Crée par: Adam Paolozza, Rob Feetham, Viktor Lukawski, Miranda Calderon et Kari Pederson
Musique: SlowPitchSound (Cheldon Paterson)
Avec: Rob Feetham, Adam Paolozza, Rose Tuong et Nicholas Eddie