Dans une chambre d’hôtel, une jeune femme est retrouvée morte. Récemment mariée à un politicien belge bien en vue, son décès est nimbé de mystère. A-t-elle été tuée? Le principal intéressé le sait-il lui-même? Présenté dans le cadre du festival Cinémania, L’Ennemi est un thriller qui s’attaque à la fameuse présomption d’innocence et aux zones grises de l’amour parfois violent.
Maeva est morte, donc. Et son conjoint, Louis Durieux, à qui l’on promettait un poste de ministre au sein du gouvernement belge, est accusé de l’avoir tuée. Mais que s’est-il vraiment passé? Réalisé par Stephan Streker, et très largement porté par Jérémie Renier, qui interprète Durieux, le film conjugue beaucoup de choses: non seulement ces moments où une passion violente peut franchir des limites et basculer dans l’agression, voire le meurtre, mais aussi la fragilité de la réputation des gens, principalement lorsqu’ils sont puissants.
Durieux a beau techniquement profiter d’une immunité parlementaire, en effet, il choisira de ne pas s’en prévaloir. Résultat: la police ne perd pas de temps à l’accuser de meurtre, puis à lui passer les menottes et à l’envoyer en prison, en attendant son procès. Pendant qu’il croupit en geôle, ses collègues et ses adversaires politiques ne se priveront pas de l’occasion pour lui faire un autre type de procès, celui de l’opinion publique. Déjà controversé, Durieux devient infréquentable, même si sa culpabilité n’a pas encore été établie.
En cette ère de jugement rapide devant le tribunal du peuple, L’Ennemi pose certaines questions dérangeantes. Et en saupoudrant le tout d’images quelque peu psychédéliques évoquant certaines des meilleures séquences de L’Exercice de l’État, un autre film mettant en vedette un politicien tourmenté, le long-métrage continue de gagner en lettres de noblesse.
Avec son détour par les relations fraternelles, que ce soit entre Durieux et son fils, ou encore entre le politicien tombé en disgrâce et son compagnon de cellule, L’Ennemi s’intéresse aussi à l’amitié et l’amour masculines, des sujets que l’on passe trop souvent sous silence.
Sans apporter des réponses à toutes les questions qu’il suscite, le film de Stephan Streker est suffisamment dérangeant pour rester en tête, même plusieurs jours après son visionnement. La marque d’une oeuvre réussie, qui mérite amplement sa place au festival.