Sur la musique de Patrick Watson, le spectacle Vanishing Melodies, proposé par les Ballets Jazz Montréal dans le cadre de Danse Danse, est un réel événement. Grâce aux superbes chorégraphies de Anne Plamondon et de Juliano Nunes et à l’excellente mise en scène d’Éric Jean, la danse et le théâtre se lient avec sensualité et intelligence.
Sur la scène, une femme en imperméable anonyme sort d’une visite médicale dont elle n’a pas tout compris. Ses pertes de mémoire… Peut-être n’avait-elle pas besoin qu’un professionnel les diagnostique. Elle en est suffisamment le témoin.
La voix douce et cassée de Patrick Watson sur ses mélodies envoutantes contraste avec le milieu glacial de l’hôpital. La femme affectée par ces oublis irréversibles fouille sa mémoire pour renouer avec les belles choses qu’elle a pu vivre jadis. Ses observations du monde des vivants, dont elle est progressivement exclue, sont teintées d’absences et de peurs, de tristesse et de nostalgie, avec quelques prises de conscience de la beauté du monde qui – elle le sait – la concerne de moins en moins.
Quatorze danseurs exceptionnels symbolisent sur scène à la fois le monde plein de vie qui entoure la protagoniste, et sa vision déformée par sa propre maladie. C’est du moins ainsi que j’ai interprété les sublimes chorégraphies exécutées en solo, en duo ou en danses coordonnées. Les très beaux costumes aux couleurs sombres et aux harmonies improbables font ressortir de façon magnifique les parties dénudées des corps des danseurs qui rendent lumineuses les couleurs plutôt associées à la tristesse. Tout le spectacle est empreint d’émotions contradictoires qui associent tristesse et beauté, nostalgie et force de vie, mélancolie et enthousiasme.
Dans des mouvements en permanence proches du déséquilibre, les danseurs multiplient les performances virtuoses et semblent s’enrouler sur eux-mêmes ou s’affoler dans des mouvements de panique qu’on pourrait ressentir à cause de l’impuissance ressentie face à la maladie.
Tout un décor d’arches de lumières, avec des vidéos discrètes et élégantes des souvenirs qui s’effacent, ajoutent à la beauté des tableaux dansés. Car il s’agit bien d’un spectacle de danse et des plus réussi, mais agrémenté de toute une mise en scène qui donne l’occasion d’imaginer diverses lignes narratives.
Ainsi, un duo amoureux magnifique se joue devant l’arrêt de bus où la femme est à la fois paralysée et dédoublée; des danses quasi acrobatiques qui imposent aux artistes des mouvements proches des combats de rue et qui dénotent toute une activité de relations entre les personnes; ou encore les embrassades extrêmement touchantes lorsque la femme se remémore quelques bons souvenirs de sa vie amoureuse et abandonne pour un temps son imperméable pour retrouver toutes les couleurs du monde.
Vanishing Melodies, du 2 au 6 novembre 2021, au Théâtre Maisonneuve.