Une oeuvre temporaire, à vivre dans l’instant; une réflexion sur l’identité numérique, le tout mêlant le concept d’une exposition, en quelque sorte, et celui de la danse… L’artiste Line Nault propose, du 10 au 13 novembre, le spectacle Non de Nom à l’Agora de la danse. Entrevue.
Au bout du fil, Mme Nault laisse échapper un petit rire lorsque ce journaliste l’informe que la bande-annonce du spectacle, consultée après avoir lu le communiqué de presse, « a suscité davantage de questions qu’elle n’a apporté de réponses ». Une façon de dire que ce spectacle semble bien mystérieux.
« Ce sont des installations performatives, ce qui veut dire que l’espace de la salle bleue de l’Agora est une grande aire ouverte, avec, à l’intérieur, de petites alcôves, ou de petits lieux, à l’intérieur desquels il y a des installations. Celles-ci sont cinq façons d’aborder la question de l’identité, selon cinq volets différents », mentionne Mme Nault.
Cette dernière, qui dit travailler avec les technologies interactives « depuis 20 ans », explique avoir « construit un dispositif qui permet de réagir à la présence de mes performeurs – j’ai quatre interprètes en direct, et j’ai une personne en diffusion en direct… Ces interprètes se promènent entre les installations et proposent de petites performances qui durent de deux à quinze minutes chacune ».
Toujours selon Mme Nault, ces artistes ont une « liberté totale », même si certains événements sont organisés à des moments précis. Ce sont ces mêmes interprètes qui « activent les dispositifs » présents dans chaque station, ajoute encore la créatrice.
« Le spectateur, lui, se promène dans le lieu. Il y a des chaises, des bancs… Il peut s’asseoir, décider de rester à un seul endroit le temps qu’il veut. Finalement, il fait son expérience. Normalement, le spectateur pourrait rester sur place pendant quatre heures, s’il le souhaite. Mais avec la pandémie, nous devons réguler légèrement le flot; après 1h15, les spectateurs seront invités à se déplacer.
Un monde en transformation
Travailler avec des technologies interactives à des fins de création, et ce depuis le début du siècle, veut aussi dire qu’au tout début, « nous étions vraiment excités d’utiliser un détecteur de mouvements qui allait faire réagir des projecteurs, ou encore activer de la vidéo », mentionne Mme Nault.
« Tout était personnalisé, et il y avait un genre de fascination à propos du fait que le corps permettait de déclencher des choses en temps réel. Je dirais que ce qui a changé, depuis ce temps-là, c’est que le collaborateur avec qui je travaille depuis tout ce temps construit des instruments. Ce que cela veut dire, c’est qu’il crée quelque chose qui répond aux besoins de l’artiste, mais après cela, il faut en programmer le langage. Ce qui a changé, pour moi, c’est qu’il y a encore beaucoup de naïveté avec la technologie, notamment avec les téléphones… À partir de là, il faut raffiner le langage et en faire quelque chose pertinent. C’est d’ailleurs cela qui s’est produit: le langage s’est raffiné. Comment développer une infrastructure qui permet de développer des langages? »
Toujours selon Line Nault, « ces nouveaux médias qui sont apparus ne sont pas fixes, et sont plutôt rattachés au corps ».
Créer des contenus pertinents n’est toutefois « pas plus simple qu’avant… les gens ne se rendent pas toujours compte de l’impact de ces technologies sur l’oeuvre et les corps. Cela force à développer une flexibilité des deux côtés; il faut qu’il y ait un dialogue, voire que cela change le dialogue ».
« Je pense que les gens commencent à se rendre compte » de la complexité des créations à saveur technologique, indique encore Mme Nault, ainsi que de la charge de travail que cela implique. « Les outils sont performants, mais les outils ne sont pas faits pour l’art; ils sont faits pour les marchés. »
Non de Nom est présenté du 10 au 13 novembre à l’Agora de la danse.