Il ne fait pas bon être un éditeur de journaux au Canada, du moins certainement pas depuis trois ans; selon les plus récentes données de Statistique Canada, les revenus du secteur ont fondu de plus de 20 % (21,9 %) entre 2018 et la fin 2020, avec une accélération de la tendance baissière en raison de la pandémie, sans surprise.
Comme le rappelle l’agence fédérale, « de nombreuses entreprises ont fermé leurs portes ou ont réduit leurs activités dans le contexte de la pandémie, ce qui a mené à une baisse de la demande en publicité, en particulier les publicités pour les journaux imprimés ». Le phénomène fut particulièrement marqué au début de la première vague, lorsque plusieurs gouvernements provinciaux ont annoncé la fermeture temporaire de quasiment tous les commerces, à l’exception des entreprises jugées essentielles.
Au Québec, notamment, où le premier ministre François Legault est allé de l’avant avec une telle « mise sur pause » de l’économie, les revenus publicitaires des médias, autant écrits que télévisuels ou radiophoniques, ont fondu comme neige au soleil, les entreprises jugeant qu’il était inutile d’annoncer des produits que les consommateurs ne pouvaient se procurer.
La toute jeune Coopérative nationale de l’information indépendante, qui possède les anciens journaux régionaux qui appartenaient à Gesca, puis, brièvement, au Groupe Capitales médias, s’est ainsi retrouvée devant une situation plus que dramatique, ses coffres étant déjà peu remplis.
De fait, la situation était si dramatique, pour les médias québécois, que la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), qui représente plusieurs milliers de travailleurs du milieu, a annoncé la mise sur pied d’une cellule de crise.
Ladite cellule avait pour mandat de « colliger les informations et de déterminer quelles devraient être les actions à prendre pour aider ces médias et ces journalistes »; plusieurs dirigeants de médias et d’organisations médiatiques faisaient partie du groupe en question.
« Si l’industrie des éditeurs de journaux a tiré un revenu de 1,5 milliard de dollars des ventes publicitaires en 2018, ce montant a reculé pour s’établir à 934,3 millions de dollars en 2020. En 2018, les revenus publicitaires représentaient 59,7 % des ventes totales de l’industrie, mais, en 2020, la part des ventes publicitaires avait diminué pour se chiffrer à 51,9 % des ventes totales », poursuit Statistique Canada dans sa note d’information.
Et si la publicité était déjà en baisse marquée, chez les éditeurs de journaux, dans la période allant de 2016 à 2018, avec un recul de 23,9 %, entre 2018 et 2020, ce fut carrément la dégringolade, avec une chute de 45,2 %. Presque la moitié des revenus publicitaires de l’imprimé ont ainsi disparu, indique l’agence fédérale.
Durant cette même période, les éditeurs ontariens ont engrangé des revenus de 942 millions de dollars, en baisse de 22,3 %. Au Québec, les entrées d’argent se sont établies à 435,3 millions, une diminution de 13,9 %.
Statistique Canada se fait cependant optimiste: avec la mise en place de nouvelles mesures financières et fiscales pour les médias, en 2019, et avec la reprise économique imputable à la diminution de l’ampleur de la pandémie, « la demande en publicité devrait connaître une reprise marquée par rapport à 2020, ce dont l’industrie devrait tirer parti ».
Cependant, précise-t-on, la demande pour la publicité imprimée « ne devrait pas augmenter dans la même mesure que la demande en publicité pour d’autres médias, notamment la radio, la télévision et internet ». De là à dire que les éditeurs de journaux ne sont pas encore tirés d’affaire, il y a un pas qu’il est aisé de franchir.