Sur le territoire de la Première Nation Wolastoqey, la tension est à couper au couteau, particulièrement entre la famille Kaktanish et les Tianiss. Et dans La cendre de ses os, une pièce présentée à la Petite Licorne, la situation pourrait devenir explosive.
Voilà trois ans que Martin Kaktanish a disparu sans laisser de traces, en demandant simplement à ce que l’on ne tente pas de le retrouver. Trois ans depuis la mort du patriarche de la famille, trois ans d’envenimement des relations entre ce qu’il reste des Kaktanish – un frère, devenu depuis maire de la municipalité voisine – et les Tianiss, dont le membre le plus en vue est chargé du développement économique et du territoire au sein du conseil de bande.
Et entre ces deux hommes, d’ailleurs, rien ne va plus: le premier (joué par un Charles Bender qu’il nous fait bien plaisir de retrouver, après AlterIndiens) souhaite faire construire un port méthanier dans sa ville, dont le tracé passerait notamment par le territoire de la Première Nation, ce à quoi le second s’oppose férocement, non seulement pour des questions de protection environnementale et de respect des terres ancestrales, mais aussi par pure colère envers celui qu’il considère comme son rival.
Il ne faut pas non plus oublier le personnage joué par Marilyn Provost, qui était amoureuse de Martin Kaktanish, en plus de prendre soin du père Kaktanish dans ses derniers moments, et qui est coincée dans une relation plus que toxique avec le représentant des Tianiss. Tout cela a des airs de Roméo et Juliette, avec cet amour quasiment impossible impliquant deux familles rivales, et la chose est plus qu’intéressante pour le public.
Mais au-delà de la « simple » intrigue amoureuse, La cendre de ses os suscite des réflexions sur l’opposition entre protection du territoire et développement économique, entre préservation de l’héritage autochtone et passage vers une modernité financièrement avantageuse – mais parfois socialement mortifère, le tout sur fond de questionnement à propos de ce que cela représente vraiment d’être Autochtone, dans un contexte de dualité politique, où les peuples autochtones sont considérés comme étant politiquement indépendants, tout en étant régis par la Loi sur les Indiens, notamment, et en dépendant, de ce fait, d’une certaine aide financière gouvernementale.
On ne peut que se réjouir de voir davantage de créations théâtrales aborder les (nombreux) enjeux autochtones qui sont autrement bien souvent passés sous silence. Il est toutefois possible de se demander s’il aurait été possible de mieux arrimer les questions spirituelles aux questions profanes, dans cette pièce, les deux aspects semblant se télescoper plutôt que de simplement se côtoyer. Cela étant dit, puisque ce journaliste est un Blanc montréalais, peut-être lui manque-t-il certaines notions à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, La cendre de ses os est une oeuvre bien intéressante qui braque les feux des projecteurs sur des dossiers qui demeurent généralement dans l’ombre. À voir jusqu’au 12 novembre, à la Petite Licorne.