Limiter le réchauffement climatique à la cible de 1,5 degré Celsius, tel que défini dans l’Accord de Paris pour le climat, nécessitera sans doute un déclin encore jamais vu de l’utilisation du charbon et du gaz naturel, du moins pour un pays industrialisé, révèle une vaste étude portant sur les combustibles fossiles et les sources d’énergie.
L’étude en question s’est intéressée au déclin des combustibles fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole) dans 105 pays entre 1960 et 2018; les conclusions, publiées ce mois-ci dans One Earth, révèlent que les déclins les plus marqués sont survenus lorsque le pétrole a été remplacé par le charbon, le gaz et l’énergie nucléaire en réaction à des menaces à la sécurité énergétique dans les années 1970 et 1980.
La décarbonisation du secteur de l’énergie est une stratégie particulièrement importante pour atteindre la carboneutralité en 2050, ce qui est nécessaire pour éviter que le réchauffement climatique ne dépasse 1,5 degré d’ici la fin du siècle.
Cependant, peu d’études se sont intéressées aux précédents historiques pour accomplir une transition aussi rapide, particulièrement en tenant compte de la diminution extrêmement rapide de l’utilisation des technologies polluantes et énergivores, qui est nécessaire en parallèle de l’adoption de méthodes plus vertes.
« Il s’agit de la première étude à analyser systématiquement les cas historiques de déclin de l’utilisation des combustibles fossiles dans des pays individuels, au cours des 60 dernières années, ainsi que partout dans le monde », indique Jessica Jewell, professeure adjointe spécialisée en transition énergétique à l’Université Chalmers, en Suède, professeure à l’Université de Bergen, en Norvège, et principale auteure de l’étude. « De précédents travaux se sont parfois penchés sur l’ensemble de la planète, mais n’ont pas été en mesure de mettre de tels événements de l’avant, puisque dans l’histoire de l’humanité, la consommation de combustibles fossiles a toujours augmenté avec le temps. »
« Nous avons également étudié les récents engagements politiques visant à sortir complètement du charbon, engagements pris par environ 30 pays dans le cadre de la Powering Past Coal Alliance. Nous avons constaté que ces promesses ne cherchaient pas à accélérer le déclin du charbon par rapport aux tendances historiques », ajoute Mme Jewell. « En gros, c’est business as usual. »
Aller vite, très vite
Afin de déterminer si une période de déclin de l’utilisation des combustibles fossiles a déjà été similaire aux scénarios nécessaires pour respecter l’Accord de Paris, Mme Jewell et ses collègues ont identifié 147 épisodes de ce genre survenus dans 105 pays, entre 1960 et 2018, lors desquels l’utilisation du charbon, du pétrole ou du gaz naturel a diminué de plus de 5% sur une décennie. Le déclin rapide a historiquement été limité aux petits pays, comme le Danemark, mais de tels cas correspondent moins aux scénarios climatiques, dans le cadre desquels le déclin doit survenir à des échelles continentales.
Mme Jewell et ses collègues se sont concentrés sur le déclin rapide dans les pays industrialisés de grande taille, puisqu’ils indiquent des transformations technologiques ou politiques majeures, et ont tenu compte de la taille du secteur énergétique, de la croissance de la demande en électricité, ainsi que du type d’énergie qui est venu remplacer les combustibles fossiles. Les chercheurs ont comparé les cas historiques de déclin avec les scénarios de mitigation climatique à l’aide d’un outil appelé « espace de faisabilité », qui identifie les combinaisons de conditions qui font en sorte qu’un geste climatique est faisable dans certains contextes.
« Nous avons été surpris de constater que l’utilisation de certains combustibles fossiles, particulièrement le pétrole, a en fait diminué rapidement dans les années 1970 et 1980, en Europe de l’Ouest, et dans d’autres pays industrialisés comme le Japon », indique Mme Jewell. « Ce n’est pas la période qui est habituellement associée aux transitions énergétiques, mais nous avons fini par croire que certaines leçons importantes peuvent être tirées, ici. »
Le déclin rapide des combustibles fossiles a nécessité, historiquement, que des technologies concurrentes profitent d’avancements, qu’il y ait une forte motivation pour changer les systèmes énergétiques (comme la volonté de sécuriser l’approvisionnement en énergie), et des institutions gouvernementales efficaces pour mettre en place les changements nécessaires.
« Nous avons été moins surpris de la vitesse à laquelle l’utilisation du charbon doit diminuer, à l’avenir, pour atteindre les cibles climatiques », ajoute Mme Jewell, en notant que de tous les combustibles fossiles, c’est le charbon qui doit perdre de l’importance le plus rapidement pour permettre de respecter les engagements climatiques, particulièrement en Asie et dans les régions de l’OCDE où son utilisation est la plus concentrée.
Environ la moitié des scénarios permettant de respecter le réchauffement à 1,5 degré nécessite un déclin du charbon, en Asie, plus rapide que tous les cas observés. Les autres scénarios, ainsi que plusieurs scénarios faisant aussi état d’une diminution de l’utilisation du charbon et du gaz dans d’autres régions, n’ont de précédents qu’aux endroits où le pétrole a été remplacé par le charbon, le gaz ou le nucléaire, en réponse à des menaces à la sécurité énergétique dans de petits marchés.
Atteindre la cible de 1,5 degré nécessite donc des mécanismes de déclin des combustibles fossiles qui vont bien au-delà de tous les cas de figure ou les engagements actuels.