Jeudi dernier, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, les Grands Ballets nous offraient un programme très bien garni, sous le titre Les Quatre Saisons.
Si le choix du titre est éminemment classique, disons tout de suite que la première œuvre au programme est tout ce qu’il y a de contemporain puisqu’il s’agit d’une double création de l’incontournable Édouard Lock. Après que vingt années se soient écoulées depuis la dernière création de Lock pour les Grands Ballets, voici que le prolifique chorégraphe, en résidence de création de Danse Danse, s’amène avec deux œuvres plutôt qu’une. En fait, avec deux fois la même œuvre : une chorégraphie filmée par ses soins, suivie d’une interprétation en direct par la première danseuse Rachele Buriassi.
On pourrait craindre que la présentation consécutive des deux formes de la même œuvre soit redondante, mais il n’en est rien. Les angles de vue, les éclairages, la surface en miroir et le montage permettent au chorégraphe réalisateur d’offrir au public une vision différente de ce qu’il peut voir sur scène. La chorégraphie étant plutôt intimiste, les spectateurs assis aux derniers rangs auraient sans doute manqué quelque chose avec la seule version sur scène.
La bande sonore d’Écho est mystérieuse. Entre musique et grincements, elle accompagne parfaitement les mouvements millimétrés de Buriassi. Les éclairages sont chiches, mais efficaces. La chorégraphie est très intériorisée et particulièrement onirique. Après plusieurs minutes de ce spectacle enchanteur, il y a fort à parier que l’esprit de nombreux spectateurs se trouvait ailleurs que dans la salle.
Édouard Lock a beaucoup de métier et il a encore beaucoup de créativité. Il continue de m’étonner et, ce soir-là, il m’a vraiment impressionné, tout comme m’a impressionné son interprète.
Cette première œuvre au programme, qui a placé la barre très haut, était suivie de Règle 26 ½, du chorégraphe montréalais Gaby Baars, sa première création de longue durée pour Les Grands Ballets. Le chorégraphe d’origine néerlandaise y aborde le train-train du quotidien, mais aussi les sursauts de vitalité, les élans de l’amour. Les mots qui me viennent à l’esprit pour décrire cette œuvre et son interprétation sont un peu pauvres. On n’est pas dans le superlatif, mais tout est beau, tout est bon. De beaux ensembles, des pas de deux touchants, de l’originalité, mais pas de flafla, des costumes colorés juste comme il faut, des éclairages généreux et des ombres bien découpées qui nous permettent de ne rien perdre de l’action. S’ajoutent à cela des musiques toujours appropriées, du piano romantique au rock énergique. Et, sans surprise, une interprétation naturelle et bien sentie. Voilà un chorégraphe que nous allons vouloir suivre de près.
Pour clore cette grande soirée, les Grands Ballets nous ont offert Les Quatre Saisons de Mauro Bigonzetti, qu’ils ont déjà présentée en 2007 et en 2011. La publicité en faisait la pièce maîtresse de la soirée et j’ai été un peu déçu. Ce n’était certes pas mauvais. C’était bien interprété. La musique, malgré qu’elle soit archi connue, est toujours agréable à entendre, surtout avec les solos de la magnifique violoniste Julie Triquet. Je crois que c’est le ton alternatif de l’œuvre qui a un peu cassé mon élan de spectateur. Parfois sérieuse et même dramatique, l’ambiance changeait soudainement pour passer au comique. Je ne sais pas si les références étaient voulues, mais j’ai, tour à tour, pensé au ballet Trocadéro et à West Side Story. Certains mouvements d’allure simiesque ou aviaire avaient aussi de quoi surprendre. Mais, rassurons-nous, il n’y avait rien là pour gâcher la soirée.
À la fin, nous avons eu droit à une très grande soirée de ballet. C’est à l’affiche jusqu’au 23 octobre.