Suivant le périple d’un orphelin à travers un Japon post-apocalyptique, la bande dessinée Yojimbot de Sylvain Repos nous plonge dans un futur où ce sont des robots qui poursuivent maintenant la noble tradition des samouraïs.
Après avoir fui le Terminal, le dernier refuge des humains, la première chose que Hideo et son fils Hiro découvrent, c’est que, contrairement à ce qu’on leur a laissé croire, l’air à l’extérieur n’est pas contaminé. Pris en chasse par l’escouade du commandant Kozuki, les deux fuyards sont rapidement encerclés par les soldats à leurs trousses. Puisqu’ils ne semblent détenir aucune information sur une mystérieuse personne connue seulement sous le nom de « l’ayant droit », un individu activement recherché par les forces de l’ordre, les militaires abattent froidement Hideo sous les yeux de son fils. Ils s’apprêtent à tuer ce dernier, lorsque des androïdes vêtus comme des samouraïs de l’ancien temps et armés de katanas s’interposent, et les éliminent. Désormais seul au monde, l’orphelin fera comprendre à ses protecteurs métalliques qu’il cherche à atteindre la tour numéro quatre, où l’attendent des amis de son père. En compagnie de ces trois robots muets, qu’il baptisera Sheru, Bakudan et Kombini, Hiro entreprendra un long périple à travers un Japon post-apocalyptique.
Dans la science-fiction, les robots sont vus la plupart du temps comme une menace à l’humanité, mais c’est tout le contraire dans Yojimbot, alors que trois d’entre eux deviennent les protecteurs inconditionnels d’un jeune orphelin. Bien qu’on apprécie ce road trip rempli de dangers et ces étranges androïdes suivant le code de conduite des samouraïs, le scénario de ce premier tome, intitulé Silence Mécanique, s’attarde surtout à l’atmosphère post-apocalyptique et aux scènes de combat, mais ne fait pas beaucoup avancer l’histoire. Je comprends l’intention de l’auteur Sylvain Repos de faire découvrir au lecteur ce monde futuriste au fil de la route, à l’instar de son jeune héros, mais il ne prend même pas la peine d’expliquer sa prémisse. Quelle catastrophe s’est abattue sur le Japon? Où sont passés les humains? Qu’est-ce que le Terminal et pourquoi ses soldats poursuivent-ils « l’ayant droit? » Espérons que le second album de la série saura répondre à quelques-unes des nombreuses questions soulevées ici.
Si son scénario comporte certaines faiblesses, Yojimbot en met par contre plein la vue graphiquement parlant. Influencée par le travail de Katsuhiro Otomo (le créateur d’Akira), et de l’artiste français Moebius, la signature visuelle de Sylvain Repos fait le pont entre la bande dessinée japonaise et franco-belge, avec des illustrations beaucoup plus riches et détaillées que ce que l’on retrouve habituellement dans les mangas. Ses modèles de robots sont tous plus délirants les uns que les autres, comme s’ils s’étaient rafistolés eux-mêmes avec les pièces trouvées dans les débris de ce monde en ruines. Ses drones évoquent des araignées mécaniques, et il esquisse une machine monstrueuse dont la benne évoque la gueule d’un dinosaure. L’artiste livre un découpage très dynamique de l’action, et ses spectaculaires scènes de combat s’étalent parfois sur une pleine page, ou une double. La coloration, très organique et chaude, atténue beaucoup le côté mécanique de ses protagonistes. L’album se conclut sur un cahier graphique de quelques pages.
Entre tradition et futurisme, entre manga et ligne claire, Sylvain Repos crée un univers fascinant avec ce premier tome de Yojimbot, un album dont les superbes illustrations compensent les lacunes du scénario.
Yojimbot – Tome 1 : Silence Mécanique, de Sylvain Repos. Publié aux éditions Dargaud, 160 pages.