Lors de la Conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), en novembre en Écosse, beaucoup de pays arriveront avec un bilan gênant. Le Canada est-il le pire? Il n’est en tout cas pas parmi les meilleurs, constate le Détecteur de rumeurs.
1) Le Canada, mauvais élève? Vrai
Depuis 15 ans, le Canada a fait plusieurs promesses sur le front climatique, sans grands succès. En 2015, le gouvernement Harper s’était engagé à réduire de 30% les émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030 par rapport au niveau de 2005. Cet objectif remplaçait alors celui, plus modeste, de réduire de 17 % les émissions de GES avant 2020, par rapport à 2005.
Mais même cet objectif plus modeste n’aura pas été atteint. Entre 2005 et 2019, les émissions du Canada n’ont diminué que de 1,1 %. Cela représente une diminution de 8,5 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (Mt d’éq. CO2). Plus gênant encore, depuis la signature de l’Accord de Paris en 2015 —et année où le Parti libéral a pris la place des conservateurs au pouvoir — les émissions de GES ont augmenté au Canada de 723 à 730 Mt d’éq. CO2, soit une augmentation d’environ 1 %.
Or, de tous les pays du G7, le Canada est le seul dans cette position. Depuis l’Accord de Paris, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, l’Allemagne, la France et l’Italie, ont réduit leurs productions de GES.
Le Canada est à lui seul responsable de 1,7 % des émissions mondiales de GES, ce qui en fait, par habitant, le troisième plus grand pollueur au monde, derrière les États-Unis et l’Australie. Le Canada a aussi la réputation d’être parmi les plus grands producteurs et exportateurs de gaz naturel et de pétrole.
2) Des avancées notables? Vrai
Plus récemment, le Canada a cependant posé des gestes significatifs. La Loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050, a ainsi été adoptée à Ottawa en juin dernier, juste à temps pour la fin de la dernière session parlementaire avant les élections.
Cette loi contraint les futurs gouvernements à prendre des mesures pour atteindre l’objectif de carboneutralité en 2050. Il est entre autres question de se doter de plans d’action dont l’efficacité sera évaluée par le commissaire au développement durable et de rendre compte au parlement, dans des rapports d’étape, des progrès réalisés.
Peu après l’adoption de cette loi, le Canada a officiellement déposé sa nouvelle cible de réduction de GES auprès de l’ONU, comme il s’y était engagé en signant l’Accord de Paris. La précédente cible, sous Harper, était donc de diminuer de 30 % ses émissions de GES d’ici 2030, par rapport à 2005. Or, dans la foulée du « plan climatique renforcé » annoncé en décembre 2020, cette cible aurait pu être atteinte, selon des projections publiées en mars dernier.
À présent, la nouvelle cible est de 40 à 45%, toujours sous le niveau de 2005, ce qui est comparable à celle que s’est fixée l’Europe.
La nouvelle cible a été accueillie favorablement par plusieurs analystes. Son réalisme dépend de la mise en place de mesures comme l’interdiction de vendre des véhicules à essence au pays d’ici 2035 — une promesse des libéraux de Justin Trudeau dans la dernière campagne électorale. En fait, pour aller plus loin encore et atteindre la carboneutralité, l’Institut C.D. Howe estimait cet été que 70 % des voitures vendues d’ici 2030 devront être électriques.
3) Des efforts encore insuffisants? Probablement
Le Directeur parlementaire du budget du Canada s’est pourtant montré critique face aux actions que veut entreprendre le gouvernement fédéral pour atteindre et dépasser les cibles de l’Accord de Paris au cours des neuf prochaines années.
Dans un rapport intitulé Au-delà de Paris : Réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada d’ici 2030 et publié en juin dernier, il révèle que les moyens pourraient venir à manquer au gouvernement pour atteindre sa nouvelle cible. « L’ampleur et la vitesse des changements nécessaires rendront la réalisation [de cette réduction] difficile », constate-t-il.
Cette conclusion rejoint celle du Climate Action Tracker (CAT), un instrument d’évaluation mis en place par un groupe indépendant de chercheurs. Dans la plus récente analyse du cas canadien, publiée en juillet, il qualifie les efforts récemment annoncés de « positifs » mais « insuffisants », voire « très insuffisants » pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Si tous les pays suivaient l’exemple du Canada, lit-on, le réchauffement planétaire serait de 2 à 3 °C d’ici 2050 et de 4 degrés à la fin du siècle.
Que manquerait-il pour être un bon élève? Le CAT note par exemple la cible « renforcée » de 40 à 45% comme un pas dans la bonne direction, mais évalue que cette cible devrait être de 54% pour être « compatible avec Paris ». Il reproche aussi au plan visant à atteindre la carboneutralité en 2050 de ne pas inclure dans ses calculs les émissions de l’aviation et du transport maritime. Sans surprises, le CAT critique la volonté affichée —c’était avant l’élection— de poursuivre l’expansion du réseau de pipelines, tout en notant que de plus en plus d’investisseurs retirent leurs billes du secteur des carburants fossiles.