À l’occasion de sa 24e saison, Danse Danse invite la chorégraphe canadienne Alexandra « Spicey » Landé et sa troupe Ebnflōh pour un spectacle de hip-hop, dont elle est la spécialiste. Les huit danseurs talentueux occupent une scène réduite du théâtre Maisonneuve, une scène carrée et reconditionnée pour être la plus proche possible des spectateurs. Les artistes et le public sont ainsi invités à s’observer mutuellement, à se sonder et à s’interroger dans ce spectacle intitulé La probabilité du néant.
Des gradins ont été dressés au plus près de la scène. La grande salle du théâtre Maisonneuve est totalement transformée pour ce spectacle qui met danseurs et spectateurs face à face. Les uns et les autres ont tout loisir de se scruter et de se dévisager.
Quand le public entre dans la salle pour s’installer sur les sièges prévus à cet effet, les huit danseurs sont déjà sur scène et ont commencé leurs déambulations. Dans leurs tenues amples et légères, leurs vêtements bleus superposés, mais usés et leurs chaussures de sport de garçons et filles de rues, ils marchent d’avant en arrière, à leurs manières de jeunes qui semblent avoir en permanence un rythme en tête et dont le désœuvrement les pousse à cultiver leurs corps et à faire de leurs plus simples mouvements une danse personnelle et très élaborée.
Pour l’instant, leur allers et retours sont lents. Ils observent en passant ceux qui prennent place dans la salle. Puis les choses s’accélèrent. Certains semblent abattus tels des zombies, d’autres agressifs, d’autres encore hautains ou même presque fous… Chaque danseur affiche un visage et une personnalité particulière et qu’il tiendra du début à la fin du spectacle.
C’est ce qui fait, selon moi, le plus grand intérêt du ballet. Même s’il présente également tout son lot de tableaux de performances, de sauts et d’acrobaties, avec des solos et des danses à la fois coordonnées et désordonnées qui sont extrêmement beaux et bien réalisés. Mais dans toutes cette chorégraphie de street dance proposée par ces huit virtuoses, la plus grande originalité provient des petites nuances et des personnalités affichées sur les visages et dans les comportements dansés des artistes, quand bien même ils font groupe, un groupe qui semble vivre dans la rue et qui affronte symboliquement les spectateurs venus les observer un peu comme des voyeurs…
Sur une musique par moment obsédante, le public est témoin d’une autre manière de vivre, en marge de la société, discriminée, dans une certaine oisiveté, forcée ou assumée. Ils ne font rien de mal. Ils trainent, ils dansent. Leurs corps sont musclés et ils apparaissent comme une menace quand bien même ils ne font que danser.
Alexandra « Spicey » Landé est une chorégraphe à suivre et son spectacle mérite le déplacement.
Ebnflōh, La probabilité du néant, du 5 au 9 octobre 2021 au théâtre Maisonneuve à Montréal