Les villes sont des centres d’activité humaine, en plus d’aider à multiplier les échanges d’idées et les interactions. La théorie concernant les différences d’échelle soutient qu’à mesure que les villes prennent de l’expansion, elles tendent à produire davantage un peu de tout, de la pollution aux crimes, en passant par les brevets et la richesse. En moyenne, les gens vivant dans de grandes villes s’en tirent mieux sur le plan économique. Mais une nouvelle étude publiée dans le Journal de la Royal Society Interface s’appuie sur de ce précédents travaux pour expliquer que cela n’est pas forcément vrai pour le citadin individuel. Les grandes villes produisent aussi plus d’inégalité.
« De précédents travaux s’étaient intéressés à la croissance urbaine dans l’optique de l’homogénéité », soutient Vicky Chuqiao Yang, du Santa Fe Institute, l’une des autrices de l’étude.
« Ces travaux ont démontré que la richesse par personne augmentait à mesure que croissent les villes. Mais nous savons, selon d’autres études, particulièrement dans le domaine de l’économie, que plusieurs sociétés sont inégales et que la production économique n’est pas répartie équitablement. »
En utilisant des données provenant de diverses villes américaines, les auteurs de la nouvelle étude se sont penchés sur la richesse urbaine dans l’angle de l’hétérogénéité. En séparant les revenus selon plusieurs groupes, l’équipe a constaté qu’à mesure qu’une ville prend de l’expansion, les 10% les plus riches obtiennent une part disproportionnée de la richesse.
« Pendant longtemps, nous pensions à l’ensemble du système lorsqu’il était question de réfléchir à propos de la croissance urbaine », mentionne le coauteur Chris Kempes, en compagnie de son collègue Geoffrey West. Les deux hommes ont travaillé étroitement ensemble pour étudier les relations de croissance dans des systèmes allant des villes aux organismes biologiques.
Mais ce n’est pas seulement la richesse qui tend à augmenter en vertu de la croissance des villes: c’est aussi le cas pour le coût de la vie. Les auteurs ont ainsi tenu compte de l’ajustement des prix des maisons. En vertu de cette modification, leur analyse démontre qu’à mesure que les villes prennent de l’ampleur, le prix de l’immobilier augmente plus vite que les revenus des moins bien nantis.
« Pour les 10% les moins riches, il n’existe aucune augmentation proportionnelle de la richesse. Alors la ville n’accroît pas les avantages économiques, mais ne les réduit pas non plus », souligne M. Kempes. « Cependant, puisque les coûts augmentent, l’expérience des plus pauvres empire. »
À travers la planète, notre civilisation s’urbanise rapidement. Plus de la moitié de l’humanité vit actuellement en ville, et au cours de la prochaine décennie, les chercheurs prédisent que le nombre de mégapoles – les villes de 10 millions d’habitants ou plus – quadruplera. « Il existe un besoin urgent de mise au point d’une théorie quantitative et qualitative pour déterminer à quel point les zones urbaines ont un impact sur toute une série de caractéristiques, dynamiques et conséquences des villes », écrivent les auteurs.
Au dire de M. West, les résultats de l’étude viennent sous-tendre le fait que l’inégalité est principalement un phénomène urbain, découlant des dynamiques sociales sous-jacentes « auxquelles il faut urgemment s’attaquer ». Le chercheur avance que les résidents plus pauvres n’ont pas accès aux interactions sociales à qui l’on impute la capacité d’alimenter l’innovation et la création de richesse dans les grandes villes.
« Ce qui a vraiment été surprenant », dit-il, « c’est qu’à mesure que la ville croît, il n’existe pas d’avantage pour les 10 à 20% les plus pauvres. Plus votre revenu diminue, plus la valeur ajoutée de la ville disparaît, et ce de façon systématique. Le phénomène est si marqué, en fait, que si vous êtes dans les 10% les plus pauvres, vous n’obtenez rien. Il y a même des preuves indiquant que votre qualité de vie diminue. Nous avons en fait trouvé que les riches s’enrichissent encore plus que prévu, alors que les pauvres s’appauvrissent encore plus qu’imaginé. »