Il ne faut que quelques secondes pour constater qu’Overseer Games, le studio responsable du développement de Patron, un jeu de gestion médiéval, s’inspire très largement de Banished, un classique du genre. Et il ne faut que quelques minutes pour déterminer que Patron possède aussi sa personnalité propre, et qu’il faudra surtout ne pas oublier d’aller dormir, une fois la séance de jeu terminée, le titre ayant la fâcheuse tendance à nous accrocher devant un écran pendant plusieurs heures.
Il manque de travailleurs non spécialisés; il manque toujours de travailleurs non spécialisés. Mais si l’on n’assigne pas suffisamment de ces travailleurs à d’autres tâches, il n’y aura pas assez de bois de chauffage pour l’hiver, ou de viande dans les réserves, ou de produits de luxe destinés à satisfaire les citoyens… Tel que mentionné, Patron évoque, dès son lancement, l’excellent jeu Banished, un classique de la microgestion « à la dure » sorti en 2014, et qui a lancé une pléthore de jeux du même genre, où un groupe de villageois, généralement à l’époque médiévale, tente de survivre à l’aide de quelques ressources de base, ainsi que du bois, des minéraux, des animaux et autres « produits » que l’on trouvera sur ces terres éventuellement défrichées à la sueur du front des habitants.
Les plus nostalgiques penseront aussi à la série Stronghold, où l’idée de chaîne de production comportant de multiples étapes semble s’être installée, du moins avoir été popularisée, bien qu’il soit probablement possible de remonter encore plus loin en arrière.
Bref, les joueurs qui s’aventureront du côté de Patron devront rapidement apprendre que pour renforcer la spiritualité de ses villageois et leur remonter le moral en des temps difficiles, il faudra par exemple construire une église. Ce qui implique bien sûr du bois, de la pierre, mais aussi de la brique (et donc une installation d’extraction d’argile et un fabriquant de briques). Sans compter les chandelles, qui nécessitent, elles, d’être produites dans un bâtiment spécialisé, qui a à son tour besoin d’être alimenté en cire (un autre bâtiment) et en mèches, mèches qui sont produites avec de la laine de mouton, qu’il faut bien entendu élever, et qui, eux, mangent de l’avoine… qu’il faut cultiver.
Tout ce beau monde coûte aussi de l’argent qu’il faudra récolter auprès de ses citoyens, ou en effectuant des transactions commerciales avec des marchands de passage. Il faudra aussi franchir plusieurs étapes en matière de recherche et ainsi débloquer, à grands frais, diverses améliorations qui permettront d’atteindre ce niveau relativement important de sophistication.
Nous ne sommes pas ici dans Factorio, avec toute sa précision entièrement industrielle. Ici, point question de gigantesques réseaux de production, de systèmes ferroviaires complexes ou de robots. Ou, du moins, pas vraiment: impossible, à partir d’un certain point, de ne pas voir son village comme une colonie de fourmis ouvrières, plutôt que comme une représentation microcosmique de la société humaine. Après tout, personne ne vous présente le forgeron du village, et vous n’avez aucune chance d’aller prier en compagnie du mineur et de toute sa petite famille. Et lorsque l’un d’entre eux meurt, ou quand un épisode de peste survient, et que vous n’avez pas le choix de décider entre l’une de deux options suggérées par le jeu, dans le cadre d’événements aléatoires, il n’y pas de place aux atermoiements: vous tâchez de sélectionner la meilleure option, ou du moins la « moins pire », et vous continuez.
Et donc, est-ce que Patron est simplement un Banished revisité? Si le nouveau titre est moins difficile en début de partie, notamment avec l’impossibilité de voir tous ses villageois mourir de froid parce que la personne coupant le bois de chauffage a manqué d’outils, il ne faudra que quelques heures de jeu pour constater que Patron ajoute une couche de complexité avec l’ensemble des exigences sociales, sécuritaires, économiques et religieuses qui étaient relativement absentes de Banished.
Les amateurs de jeux de gestion y trouveront certainement leur compte. Pour la micro micro gestion, il y a toujours Going Medieval, mais à l’étape au-dessus, Patron offre certainement une expérience à la fois enlevante et exigeante. Un must!
Patron
Développeur et éditeur: Overseer Games
Plateforme: Windows (testé sur Steam)
Jeu disponible en français (interface et sous-titres)