Faire rire, oui, mais faire aussi oeuvre utile: voilà ce que propose Alterindiens, une pièce de théâtre donnée prochainement à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, et qui s’intéresse aux angles morts en matière de connaissance des enjeux autochtones.
Au bout du fil, Charles Bender, qui a traduit le texte de la pièce de Drew Hayden Taylor, un auteur Ojibwé, et qui joue aussi l’un des personnages, participer à l’adaptation d’Alterindiens découle d’un processus entamé il y a belle lurette. « Je connaissais déjà Drew Hayden Taylor, je l’avais croisé à quelques reprises et j’avais lu certains de ses livres… Et c’est Xavier Huard, un autre administrateur de la compagnie (les Productions Menuentakuan, NDLR), qui m’avait dit « j’ai lu cette pièce, ce serait super fun de la monter, serais-tu intéressé de la traduire? », mentionne-t-il.
« Et comme on se passe souvent la balle, comme ça, dans des productions à l’intérieur de la compagnie, j’ai décidé de lire et de traduire la pièce. C’est un excellent texte, tout à fait à la hauteur de Drew Hayden Taylor, avec un humour mordant absolument délicieux. Et j’ai dit « écoute, il y a un personnage, là-dedans, que je trouve super intéressant, j’aimerais le jouer. C’est un personnage allochtone, pas autochtone, mais j’aimerais bien le jouer, c’est un personnage qui me parle ». », a-t-il ajouté.
Et pourquoi adapter maintenant cette pièce? « Drew parle de tous nos biais cognitifs; les personnages de sa pièce ne sont pas des gens ignorants des choses autochtones. Au contraire, ce sont des gens qui sont très au fait de ces questions-là. Le personnage principal est une femme allochtone qui enseigne la littérature autochtone à l’université, qui est en couple avec un jeune Autochtone, un auteur prometteur, et qui a organisé un souper avec deux de ses amis qui sont des végétaliens totaux, des végétaliens éthiques… Et deux des amis de son conjoint, qui eux sont des militants autochtones qui se nomment eux-mêmes alterindiens, avec donc un militantisme qui est un peu en porte-à-faux avec le militantisme général. »
Toujours selon M. Bender, cela mène à « des situations cocasses, il y a constamment des pointes… C’est très grinçant, mais c’est extrêmement drôle. Tous les angles morts sont éclairés. C’est fait avec beaucoup d’humour, beaucoup de plaisir ».
Ainsi, Alterindiens « est l’oeuvre d’un auteur autochtone, mais sans parti pris. « Il présente les faits d’un point de vue autochtone, mais il est prêt à reconnaître les angles morts. »
D’où, donc, cette capacité de faire rire, oui, mais aussi de faire réfléchir.
Plus grande visibilité
Il aura fallu beaucoup de temps, mais il semble que les enjeux autochtones aient finalement davantage de place sur les scènes culturelles allochtones, ainsi qu’ailleurs dans la société. Un constat avec lequel est en accord Charles Bender. « Le mouvement Idle No More a été majeur en ce sens, pour faire connaître les enjeux autochtones. C’est arrivé à point nommé pour savoir qu’un rapport de la Commission de vérité et de réconciliation était sorti… Cela a attiré l’attention sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, sur le rapport de la Commission Viens; les gens sont davantage au courant de ce qui se passe », soutient-il.
« Et pour rendre cela plus simple, encore, il y a plus de gens allochtones qui se demandent s’ils sont capables de nommer les 11 nations autochtones du Québec. Alors qu’avant, les gens se diraient plutôt « ah, il y a des nations autochtones? ». C’est là que nous réussissons à déconstruire des mythes. Et de moins en moins, on me pose la question à savoir si je paye des taxes, ou non », lance encore M. Bender.
« Les gens vont poser des questions sur les écoles résidentielles (…), alors que clairement, les Autochtones en parlent depuis des années. Pour cela, il fallait que les oreilles soient ouvertes, il fallait qu’on sache qu’il y a un angle mort. »
« En ce sens, je constate que les gens sont beaucoup plus réceptifs à une offre culturelle dont la prémisse s’appuie sur la réalité autochtone. »
Alterindiens est présentée à la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, du 7 au 25 septembre.