Entre les insultes proférées par certains manifestants à l’égard des défenseurs des mesures sanitaires et l’intimidation dont font l’objet certains scientifiques en ligne, un site français d’extrême-droite en a ajouté une couche avec un texte qui a été lu comme une invitation à guillotiner médecins et chercheurs.
Le 22 août, le site France-Soir (qui a repris le nom d’un ancien quotidien français, mais n’emploie plus de journalistes depuis 2019 et est devenu une tribune pour l’extrême-droite et les complots) a publié un texte anonyme sur « l’escroquerie » de la Covid-19, qui répétait plusieurs des faussetés et des accusations habituelles de la sphère complotiste. Il se terminait par ces mots: « un procès devra se tenir. La Veuve s’impatiente » Or, « Veuve » était l’un des surnoms de la potence utilisée pour des pendaisons, puis de la guillotine.
L’appel explicite à la peine de mort ayant fait le tour des médias sociaux, le propriétaire du site, Xavier Azalbert, a fait deux modifications plus tard dans la journée: « Veuve » est devenu « veuve » sans majuscule, et une note en bas de page a été ajoutée: « La COVID a comme conséquence de laisser veuves des milliers de femmes dans le monde ».
Une coalition de scientifiques français engagés dans la vulgarisation et la lutte aux fausses nouvelles autour de la COVID-19 a publié le 31 août une lettre ouverte protestant contre ces menaces et s’inquiétant « du risque réel de passage à l’acte de personnes radicalisées ». Plusieurs des signataires, dont les associations Citizen4science et FakeMed, étaient d’ailleurs ciblés par l’auteur anonyme.
« Nous dénonçons également les personnes qui relaient et applaudissent cette publication sur les réseaux sociaux, dont certains sont des personnalités publiques à forte audience comme Didier Raoult ou Idriss Aberkane qui a suggéré d’investir dans l’achat de guillotines. »
Le blogueur Antoine Daoust note que « les menaces de mort deviennent de plus en plus fréquentes », contre des scientifiques, des vulgarisateurs et des politiciens. Et c’est sans compter, en France, au moins trois actes de vandalisme contre des centres de vaccination cet été.
Mais on peut remonter aussi de quelques mois, puisqu’en novembre 2020, dans une courte lettre publiée dans The Lancet Infectious Diseases, des chercheurs suisses attiraient l’attention sur une « violente campagne de cyberharcèlement sur les médias sociaux » dont ils étaient l’objet. À l’origine de « ces centaines d’insultes, de messages xénophobes, de téléphones anonymes et d’intimidation »: une méta-analyse qu’ils avaient publiée trois mois plus tôt et qui concluait à l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre la Covid-19. Trois chercheuses, de France et de Suisse, leur répondaient en décembre, soulignant combien les femmes scientifiques étaient très souvent ciblées. Dans le cas de ces trois signataires, le même médicament était en cause:
Ces attaques étaient exclusivement liées à des interventions publiques dans les médias, dans lesquelles nous tentions d’expliquer rationnellement l’état actuel des connaissances sur l’hydroxychloroquine pour le traitement et la prévention de la COVID-19. Nous croyons qu’il est essentiel de fournir de l’information sans faire de fausses promesses. (…) Il n’y a pas d’excuse pour les raccourcis, même au milieu d’une pandémie mondiale.
Et on peut aussi rappeler la virulence des attaques dont est l’objet depuis des mois la microbiologiste Elisabeth Bik, pour ses critiques des recherches de l’équipe de Didier Raoult, entre autres sur l’hydroxychloroquine.
« On n’est pas à l’abri d’un passage à l’acte », s’est inquiétée en entrevue mercredi, l’infectiologue Karine Lacombe, l’une des signataires de la lettre de décembre et de celle du 31 août.