L’univers de Marvel continue d’ouvrir ses horizons, même si son sentiment de familiarité, au-delà des nouveaux visages et des nouveaux lieux, est néanmoins fait du même moule. Il n’en demeure pas moins que le vent de fraîcheur continue de bien fonctionner durant l’écoute de l’enthousiasmant Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings, qui s’assure de bien huiler la machine afin de l’empêcher de rouiller.
L’Asie continue d’élargir sa place dans le cinéma américain, après des films comme Crazy Rich Asians et la victoire aux Oscars de Parasite. Après un Mulan que Disney a plutôt abandonné en cours de route, mis sur l’excuse plutôt simpliste de la pandémie, voilà qu’il rejoue le tout pour le tout avec Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings, offrant à Marvel son premier superhéros asiatique. Un film qui reprend le canevas de Black Panther (la famille, un nouvel univers inconnu, etc.) mais en le remodelant à une autre culture et qui mérite lui aussi un joli succès.
C’est que malgré quelques détours plus génériques, l’œuvre ne manque pas de cœur. Son centre est irrésistible et on suivrait les adorables Simu Liu et Awkwafina n’importe où. Non seulement parce que leur charisme individuel est indéniable (Awkwafina vole indubitablement la vedette de toutes les productions où elle figure tellement son jeu bénéficie d’un instinct qui fait classe à part), mais aussi parce que leur chimie fait des flammèches.
Pour un premier grand rôle au grand écran d’ailleurs, le Canadien Liu s’en tire très bien se démarquant principalement dans les chorégraphies de combat qui sont pour la majorité rehaussées par un flair visuel senti et une audacieuse ingéniosité dans leurs conceptions. La scène de l’autobus, qui rend à ses heures hommages à Speed, garde sans mal en haleine. Awkwafina aide quant à elle comme toujours à élever la barre de l’humour en évitant régulièrement les facilités, tout en sachant montrer la nuance requise pour les scènes plus dramatiques.
À leurs côtés, en plus de quelques surprises, on compte aussi sur la présence toujours impériale de Michelle Yeoh et Tony Leung, un grand habitué de Wong Kar-Wai.
Il faut aussi se rassurer, puisque le projet est tombé entre les mains très compétentes de Destin Daniel Cretton. Si son style se perd un peu dans la grande machine dans laquelle il s’est embarqué, tout comme une certaine part de la sensibilité de celui à qui l’on doit l’inoubliable Short-Term 12, on peut certainement admettre y reconnaître son flair pour la poésie, principalement visuelle. Malgré quelques effets qui peuvent paraître plus inégaux, voilà certainement un des Marvel les plus époustouflants visuellement, jouant ici et là avec les couleurs et les éléments comme Zhang Yimou le ferait.
Les images sont quand même une gracieuseté de Bill Pope, collaborateur régulier de Edgwar Wright, hormis son plus récent film auquel il a sûrement dû refuser de participer pour se permettre le Marvel, s’ajoutant à la liste des techniciens de renoms qui ont participé au projet. Bien sûr, le courant semble mieux passer avec ses acolytes de longue date, comme en fait foi la très jolie trame sonore du toujours satisfaisant Joel P. West, alors que le montage semble se perdre entre les six mains des trois monteurs qui inclut tout à la fois son monteur habituel Nat Sanders, mais aussi Harry Yoon qui a travaillé sur Minari, et l’Islandaise Elísabet Ronaldsdóttir beaucoup plus habituée aux films d’action ,comme elle a travaillé sur Deadpool 2 et Atomic Blonde.
On se demande aussi comment s’est effectué le partage de l’écriture du scénario. Si Daniel Cretton a continué d’insuffler sa plume tout en la partageant à nouveau avec Andrew Lanham, ils ont aussi dû faire place à Dave Callaham aux projets beaucoup moins convaincants comme Zombieland : Double Tap et le remake de Godzilla. Après tout, c’est dans la surexposition de l’histoire et de ses explications que le long-métrage trouve ses longueurs et ses baisses de régime, la beauté et l’humanité du cinéaste derrière le mésestimé Just Mercy se retrouvant davantage dans les non-dits et lorsqu’on laisse les gestes parler d’eux-mêmes.
Il n’en demeure pas moins que cette mégaproduction très luxueuse vaut le détour. Très divertissante et amusante, elle fait la part belle aussi dans la quête de soi représentant avec justesse ces immigrés qui ne se trouvent ni chez eux ailleurs, ou à la maison, encore à la recherche d’une raison d’être une fois arrivé dans le monde adulte, et devant assumer autant leur passé que leur avenir.
D’ailleurs, si les liens avec d’autres Marvel sont très nombreux, allant de clins d’oeil à des références directes assez frontales, l’histoire centrale demeure assez intimiste, entièrement concentrée sur le destin d’une famille auquel le sort du monde finit d’être lié.
Un Marvel donc, oui, mais un Marvel qui s’amuse à aller un peu ailleurs tout en s’assurant de rester en majorité dans un périmètre qui lui fait sentir en sécurité. Pour le reste, la beauté et le savoir-faire sera au moins cela de gagné.
7/10
Shang-Chi and the Legend of the Ten Rings prend l’affiche en salles ce vendredi 3 septembre.