Il existe 2000 langues parlées en Afrique. La grande majorité d’entre elles sont totalement absentes de l’univers des publications scientifiques. Un projet récent propose de franchir un premier pas: 180 articles scientifiques seront traduits dans six de ces langues, parlées par 98 millions de personnes.
Leur absence signifie aussi que beaucoup de ces langues n’ont même pas créé de mots pour des concepts scientifiques modernes. Avec des conséquences tangibles en éducation, commente la revue britannique Nature, qui donne en exemple le zoulou —une des langues les plus parlées dans le sud du continent africain, avec 14 millions de locuteurs. Elle utilise un mot, amagciwane, pour germe, mais elle n’a pas de mot séparé pour virus ou bactérie. Et les experts ne se sont pas encore entendus sur un mot pour évolution.
Le projet en question, Decolonise Science, a été lancé l’an dernier en partenariat avec le serveur de prépublication AfricArXiv. Ce dernier a à son tour lancé cet été un appel, donnant aux auteurs jusqu’au 20 août pour soumettre les articles qu’ils souhaiteraient voir traduits.
« Les langues africaines sont vues comme quelque chose que vous parlez à la maison, pas à l’école, pas dans les réunions d’affaires. C’est pareil en science », déplore dans Nature Kathleen Siminyu, une des chercheures impliquées dans ce projet. Google est devenu l’une des sources de financement, parce que parallèlement à cette première vague de traductions, c’est un véritable lexique des termes scientifiques dans ces six langues que Decolonise Science veut constituer. Un outil qui pourrait du coup servir au-delà des chercheurs: aux journalistes locaux, aux vulgarisateurs, et jusque dans les écoles.