Il a fallu du temps, mais la grande majorité des médias ont fini par accepter l’idée que le réchauffement climatique n’était pas une simple opinion: en fait, la transition semble s’être faite dans les années 1990 et 2000, puisqu’au cours des 15 dernières années, 90% de la couverture effectuée par les principaux médias de cinq pays, a été « factuellement » rigoureuse.
C’est ce qui ressort de l’analyse faite par un groupe de chercheurs de l’Université du Colorado qui effectue, depuis 2004, une compilation des reportages sur le climat et les changements climatiques publiés dans une centaine de journaux sur les cinq continents. Dans une analyse de près de 5000 articles publiés dans 17 de ces médias —tous anglophones— de 2005 à 2019, ces chercheurs concluent que le vent a tourné, par rapport à des études similaires menées au début des années 2000. Leur analyse est parue le 17 août dans Environmental Research Letters.
Ceux qui s’en sortent le moins bien dans ces cinq pays, dont les États-Unis et le Canada, sont les médias étiquetés « conservateurs »: le Daily Telegraph australien, le Daily Mail de Londres, et le National Post de Toronto. Reste que, même chez eux, une couverture basée sur des faits l’emporte désormais sur une couverture incorrectement appuyée sur « le pour et le contre ».
Ces 5000 textes ont été classés en quatre catégories, l’une d’elles étant celle où il est prétendu que l’activité humaine n’apporte qu’une contribution « négligeable » au réchauffement climatique. Le pourcentage des textes appartenant à cette catégorie est de moins de 5% dans la plupart des journaux: il est par exemple de moins de 1% dans le Globe and Mail, de 2% dans le New York Times et le Sydney Morning Herald australien, et de 5% dans le Times et le Sunday Times de Londres. Il grimpe jusqu’à 19% dans le Daily Mail et à 20% dans le National Post.
Si on y ajoute la catégorie des textes prétendant que l’humain et la nature contribuent « également », le pourcentage monte à 29% dans le National Post et le Daily Telegraph australien, et à 28% dans le Daily Mail britannique —contre 10% ou moins pour la majorité des autres.
« Il y a deux décennies, les médias écrits donnaient fréquemment une importance égale aux experts légitimes du climat et aux marginaux climatonégationnistes », résume dans un communiqué l’auteure principale, Lucy McAllister, de l’Université du Colorado. Ça n’est plus le cas: « les faits l’emportent sur un débat ».
Dans le cas des médias plus conservateurs, note le directeur du programme d’études environnementales Max Boykoff, qui avait lui-même effectué une analyse similaire il y a deux décennies, le territoire occupé par les débats « a largement basculé ces dernières années. D’un simple déni de la contribution humaine aux changements climatiques, [on est passé] à des attaques plus subtiles contre les appuis à des politiques spécifiques destinées à combattre les changements climatiques ».
La recherche ne fournit pas de tableaux détaillés par média ou par pays, qui permettraient de voir des évolutions régionales dans le temps: tout au plus remarque-t-on que la couverture factuellement incorrecte était plus importante en 2010 (près de 20% du total, une période qui suivait la conférence de Copenhague et le faux scandale appelé alors climategate) qu’à la fin de 2015 (environ 6% du total, avant et pendant la conférence qui s’était terminée par l’Accord de Paris).
On doit à Boykoff et à ses collègues, sous l’aile de l’Observatoire des médias et des changements climatiques, une base de données, remise à jour mensuellement, des publications sur le climat dans une centaine des principaux journaux du monde entier. C’est ce travail qui a permis à plusieurs reprises, depuis les années 2000, de constater que la couverture climatique était faite de hauts et surtout de bas: un « pic » majeur à la fin de 2009, quelques plus petits à la fin de 2015, de 2018 et surtout de 2019. Mais aussi beaucoup de périodes, entre 2010 et 2015, pendant lesquelles le sujet avait du mal à retenir longtemps l’attention médiatique. La question se pose déjà sur ce qu’il en sera dans l’après-pandémie…