L’hydrogène « bleu », une source d’énergie qui implique un processus de production d’hydrogène à l’aide du méthane présent dans le gaz naturel, est vanté comme une énergie propre et verte permettant de réduire le réchauffement climatique. Mais des chercheurs des universités Cornell et Stanford disent croire que cela pourrait en fait être plus polluant que la combustion d’énergies fossiles.
Selon l’étude publiée dans Energy Science & Engineering, l’empreinte carbone de la création d’hydrogène bleu est plus de 20% supérieur à celui du gaz naturel et du charbon employés pour le chauffage, ou plus de 60% supérieur à celui de l’huile de chauffage.
Robert Howarth, professeur d’écologie et de biologie environnementale à Cornell, en compagnie de Mark Z. Jacobson, professeur de génie civil et environnemental à Stanford, ont travaillé de concert pour obtenir ces résultats.
La création de l’hydrogène bleu débute avec la conversion du méthane en hydrogène et en dioxyde de carbone en utilisant de la chaleur, de la vapeur et de la pression, ou de l’hydrogène gris, mais va plus loin pour capter une partie du CO2. Une fois que le dioxyde de carbone produit et d’autres impuretés sont captés, le gaz devient de l’hydrogène bleu, selon le département américain de l’Énergie.
L’ensemble de ce processus nécessite de grandes quantités d’énergie, selon les chercheurs, qui est généralement fournie en brûlant davantage de gaz naturel.
« Par le passé, aucune tentative n’était effectuée pour capturer le CO2 découlant de la production d’hydrogène gris, et les émissions de gaz à effet de serre ont été gigantesques », a indiqué M. Howarth. « Maintenant, l’industrie fait la promotion de l’hydrogène bleu comme une solution, une approche qui utilise encore le méthane du gaz naturel, tout en tentant de capter le CO2 découlant de ce processus. Malheureusement, les émissions demeurent encore très importantes. »
Le méthane est un important gaz à effet de serre, a poursuivi M. Howarth. Celui-ci est plus de 100 fois puissant, comme agent de réchauffement de l’atmosphère, que le dioxyde de carbone lorsqu’il est émis. Le plus récent rapport du GIEC, l’agence onusienne pour le climat, publié le 9 août dernier, démontre qu’au cours du dernier siècle, le méthane a représenté environ les deux tiers du réchauffement produit par le CO2.
Les émissions découlant de l’hydrogène bleu sont moindres que celles de l’hydrogène gris, mais seulement de l’ordre de 9 à 12%.
« L’hydrogène bleu n’est vraiment pas sans émissions polluantes », écrivent les chercheurs. « Ce produit ne fonctionne, comme stratégie environnementale, que s’il est possible de stocker le CO2 pour une durée indéfinie, sans qu’il n’y ait de fuite et qu’il se retrouve de nouveau dans l’atmosphère. »
Le 10 août, le Sénat américain a adopté une version d’un plan de relance économique de 1000 milliards de dollars, qui comprend plusieurs milliards destinés à l’industrie de l’hydrogène.
« Les forces politiques n’ont peut-être pas encore rattrapé la science », soutient M. Howarth. « Même les politiciens progressistes peuvent ne pas comprendre ce pourquoi ils votent. L’hydrogène bleu semble bien, semble moderne et semble être une voie d’avenir, mais ce n’est pas le cas. »
Il existe une version durable et environnementalement saine de l’hydrogène, appelée hydrogène vert. Celui-ci est produit dans le cadre d’un processus d’électrolyse: à l’aide d’énergie renouvelable, de l’eau est séparée en ses deux composantes, soit l’hydrogène et l’oxygène.
« Le meilleur hydrogène, l’hydrogène vert provenant de l’électrolyse, s’il est utilisé avec sagesse et efficacité, peut être cette voie vers un futur durable, mais l’hydrogène bleu est totalement différent », martèle M. Howarth.