Une Chine surpuissante; une Amérique à bout de souffle, aveuglée par ses souvenirs d’une gloire perdue; une guerre qui deviendra inévitable. Voici ce que propose, en gros, 2034 : A Novel of the Next World War, un roman d’anticipation géopolitique écrit par l’amiral à la retraite James Stavridis et Elliot Ackerman.
En 2034, donc, la Chine déclenche ce qui deviendra une guerre nucléaire relativement limitée avec les États-Unis en souhaitant enfin prendre le contrôle de la mer de Chine méridionale. Le roman se veut à la fois une mise en garde contre un aveuglement technologique, mais également un avertissement à propos des dangers d’escalade entre les deux grandes puissances, dans un contexte géopolitique et économique que l’on imagine encore plus tendu qu’il ne l’est aujourd’hui.
Tout cela se veut fort stressant, avec des personnages qui progressent dans l’histoire comme autant de pièces sur un échiquier, des revirements de situation qui laissent présager le pire… Bref, les deux auteurs en mettent le maximum pour accrocher le lecteur. Et cela pourrait possiblement fonctionner.
Le [gros] problème, c’est que le scénario n’a aucun sens. Admettons, pour les besoins de la cause, que les institutions politiques et militaires occidentales connaissent un tel déclin, en une quinzaine d’années seulement, qu’il n’en soit quasiment pas fait mention dans les plus de 300 pages du roman.
Admettons, de façon encore plus incroyable, que l’alliance entre Pékin et Téhéran soit effectivement possible et stable (malgré tout ce qui peut opposer les deux dictatures).
Cela ne justifie en rien le fait que les Chinois disposent non seulement d’une arme technologique « magique », qui permet de neutraliser instantanément presque tous les systèmes électroniques, y compris les armes les plus sophistiquées embarquées sur les navires les plus modernes de la flotte américaine…
Pourquoi, alors, avoir attendu aussi longtemps avant de s’en servir? Pourquoi faire appel à l’Iran pour capturer à distance un chasseur F-35, ce qui ne servira qu’à mettre de l’avant l’un des personnages principaux? Pourquoi les Américains, clairement atteints de sénilité, envoient-ils deux porte-avions et leur escorte au massacre, alors qu’ils savent très bien que la Chine peut contrôler leurs armes sophistiquées? Pourquoi le reste de la planète ne réagit-il pas? Et quelles sont ces armes nucléaires dites « tactiques » qui permettront de rayer des métropoles complètes de la carte, tout en permettant aux auteurs de parler d’échanges atomiques « limités », sans comparaison avec les « armes de fin du monde » que seraient les missiles intercontinentaux?
C’est à se demander si quelqu’un a relu le scénario avant que le livre ne parte à l’impression.
Le plus frustrant, dans tout cela, c’est qu’il y avait bel et bien un potentiel pour un roman géopolitique intéressant, dans un contexte de tensions avec la Chine. On aurait apprécié des joutes diplomatiques, des tensions sur mer, sur terre ou dans les airs… Ici, rien de tout cela. Uniquement des situations bien souvent aberrantes qui s’avèrent rapidement agaçantes.
À éviter.
2034 : A Novel of the Next World War, d’Elliot Ackerman et James Stavridis. Publié chez Penguin Press. 320 pages.