Oktoplut, orfèvre de sonorités heavy depuis 2013, lance vendredi son troisième album complet, RIONNOIR, un ambitieux disque double qui ne manque pas de mélodies accrocheuses ni de costaud rythmes ancrés dans le punk, le hard rock et le métal.
Le sympathique duo formé de Laurence Fréchette (voix, batterie) et de Mathieu Forcier (guitares) s’est entretenu avec Pieuvre pour la sortie de RIONNOIR, album aussi dense et punché qu’efficace et expansif.
«Rion, c’est 11 chansons de 3 minutes et demie avec une réalisation très léchée, presque pop, tandis que Noir est composé de 4 tounes dark de 10 minutes», lance d’entrée de jeu Mathieu.
Les pièces de Rion sont en effet ancrées dans le son qui a fait connaître Oktoplut à un large public, en 2017, avec l’irrésistible Héros ou ennemi, hymne pop-punk qui s’est même taillé une place jusqu’au Centre Bell pendant les matchs du CH. Quant à Noir, les amateurs du côté plus exploratoire et expansif du groupe seront comblés.
Laurence et Mathieu travaillent sur RIONNOIR depuis la fin de 2017, tout juste après avoir accouché du Démon normal. «Très tôt dans le processus, on savait qu’on voulait faire un album double avec une certaine forme de concept», explique Mathieu.
Le contraire nous aurait surpris de la part des gars, grands amateurs de rock progressif devant l’éternel.
«On cherchait à jouer avec des palindromes à différents niveaux pour l’album et c’est là que je me suis dit qu’on pouvait y aller à fond avec l’utilisation de concepts. Dans la foulée, je suis arrivé à une pratique un jour et j’ai dit à Mathieu: la première toune va s’appeler L’origine d’une rivière et la dernière sera Le delta de l’Okavango», raconte Laurence.
Même si le concept de RIONNOIR n’est pas directement consacré à l’eau, on sent tout de même que l’élément les inspire (Le Démon normal comprenait d’ailleurs un triptyque nommé Océan 1, 2 et 3).
«L’eau c’est puissant, mais ça peut être doux aussi. Quand on a la tête sous l’eau, c’est anxiogène, c’est incertain et insaisissable», mentionne Laurence.
Et c’est dans cette description très évocatrice que recèle la clé thématique de RIONNOIR: un exercice de perception simultané de l’altérité, comme si on tentait d’observer en même temps les deux faces d’un miroir, de réconcilier toutes les facettes de notre réalité.
«Je poursuis les thématiques retrouvées sur Le Démon normal, mais je les pousse plus loin. En plus de la confrontation avec soi-même, je m’avance sur ce que notre propre altérité peut signifier sur notre rôle dans l’existence», analyse le parolier avant de prendre une pause…
«Attends, c’tu trop deep ça?»
Non, Laurence, c’était parfait.
Maintenant disponible en mezzo piano
La pièce de résistance de cette thématique, c’est Le delta de l’Okavango, pièce sur laquelle se termine magistralement RIONNOIR. Seul fleuve de la surface du globe à ne pas se jeter dans l’océan, «le long delta» est le fleuve singulier qui sert de métaphore au chanteur et parolier pour boucler les thèmes de l’album.
Cette pièce est aussi spéciale pour le groupe qui a eu la chance d’y intégrer l’octobasse de l’Orchestre symphonique de Montréal. Haut de près de 4 mètres, quatre fois plus grave qu’une contrebasse, ce singulier instrument – l’OSM s’affiche comme le seul orchestre au monde à en posséder un – donnait de nouvelles possibilités d’explorations à Oktoplut qui a toujours eu un goût avoué pour les sonorités en basse fréquence (voir Sous le pont).
«Je n’arrivais pas à trouver l’angle avec lequel je voulais aborder la guitare pour cette chanson-là. C’est finalement en branchant une couple de pédales d’octave ensemble que j’ai trouvé. À force d’ajouter des suboctaves, quand la maison s’est mise à shaker, j’ai dit : on l’a. C’est là que je me suis dit que l’octobasse, ça serait toute une addition», se souvient le guitariste.
Avec l’aide de Frank Joly qui enregistrait les sessions de RIONNOIR au studio Piccolo et de Jérôme Boisvert, réalisateur de confiance du duo, le contact avec l’OSM a pu être fait et une partition pour l’octobasse a été écrite.
«Jérôme a une formation en musique et il a su vraiment bien transposer mon idée en partition pour l’octobassiste, Eric Chappell», précise Mathieu.
L’information est confirmée par le principal intéressé. «Lorsque j’ai vu la partition, c’était clair qu’il avait fait ses devoirs. On a ensuite fait des tests avec deux archets, pour les articulations et quand on a aimé le mouvement on a enregistré. Même si on a les octobasses depuis 5 ans maintenant à l’OSM, on en apprend encore sur l’instrument et un exercice comme celui qu’on a fait avec Oktoplut aide à en pousser les limites. C’est intéressant», indique l’octobassiste.
«C’était vraiment intéressant de les entendre travailler. Jérôme a demandé à Eric de lui faire une track avec plus de mezzo piano, puis ça nous a bien impressionné. Disons qu’avec ma guit mes techniques ça se limite à piquer fort ma corde ou à faire du palm mute», blague Mathieu.
Suite à cette collaboration inattendue, le groupe est retourné à la maison symphonique pour tourner une captation de la chanson avec Jérôme Boisvert au piano et Eric Chappell à l’octobasse.
Compte tenu de l’incertitude persistante liée à la COVID-19, les gars trouvaient que cette prestation serait la meilleure carte de visite pour faire la promotion de RIONNOIR.
«Si on ne peut pas faire de shows pour cet album, on en fera un autre d’abord», lance Laurence aussitôt appuyé d’un sérieux hochement de tête de son comparse.
D’ici là, on plonge dans l’univers de RIONNOIR qui confirme une nouvelle fois qu’Oktoplut est un des groupes les plus ambitieux de la scène rock actuelle.