Les oiseaux ont-ils besoin de leur odorat? Il a longtemps été pris pour acquis que leurs yeux suffisaient largement à trouver leur nourriture — en plus d’une capacité, pour certaines espèces, à détecter le champ magnétique terrestre pour s’orienter. Mais des études récentes remettent en doute cette idée.
Passant en revue une partie des génomes d’oiseaux qui ont été décodés ces dernières années, deux biologistes américains ont publié le 28 juin une étude identifiant plusieurs nouveaux gènes associés à des récepteurs olfactifs jusqu’ici inconnus, et présents chez des espèces allant du poulet à l’émeu en passant par les pipridés. Qu’on retrouve les mêmes gènes chez des oiseaux aussi différents pourrait suggérer que l’origine de ces récepteurs remonte à un lointain ancêtre commun.
Par ailleurs, une étude plus modeste a démontré que la cigogne reconnaissait l’odeur de l’herbe fraîchement coupée —un atout, si vous êtes un oiseau qui recherche des vers. Les chercheurs ont observé un groupe de 70 cigognes à partir d’un petit avion volant en cercle pendant un printemps et un été. Répandre trois substances chimiques expulsées par de l’herbe fraîchement coupée au-dessus de champs qui n’avaient pas été coupés, a eu le même effet d’attirer les cigognes, ont-ils écrit le 18 juin dans la revue Scientific Reports.
La journaliste Elizabeth Pennisi rappelle dans la revue Science que le « dogme » des oiseaux qui n’ont pas d’odorat, ou en ont un qu’ils n’utilisent pas, remonte à 200 ans: le célèbre naturaliste américain John Audubon avait caché un corps de porc en décomposition, afin de voir s’il attirerait l’attention des vautours. Comme ceux-ci avaient volé au-dessus sans tenter de s’en approcher, il en avait déduit que seule leur vision était importante pour trouver leur nourriture. Et bien qu’on ait accumulé, depuis, beaucoup d’exemples comme quoi les oiseaux de proie utilisent bel et bien leur odorat, l’idée qu’ils l’utilisent peu, ou qu’il soit facultatif, est restée.
La génétique apportera sans doute beaucoup d’autres éléments de réponse, parce que c’est dès 2008 que d’autres chercheurs avaient en fait commencé à identifier des gènes de l’olfaction chez une dizaine d’espèces d’oiseaux, qui étaient toujours fonctionnels —au contraire de certains des nôtres. Le progrès des technologies de séquençage et l’accumulation des données depuis 2008 réservent peut-être d’autres surprises.