Regroupant 17 courtes histoires, dont certaines ont déjà été publiées dans les années 1990, l’album Reliefs de l’Ancien Monde permet de goûter à l’humour déroutant et philosophique du bédéiste Jean-C. Denis.
Jean-C. Denis est un auteur et dessinateur possédant une voix assez unique dans le monde de la bande dessinée. C’est sans doute la raison pour laquelle il a remporté le Grand prix de la ville d’Angoulême en 2012 pour l’ensemble de son œuvre. Depuis La Terreur des hauteurs, paru en 2018 (lire notre critique ici), un album dans lequel il abordait sur un ton très personnel ses problèmes de vertige, le bédéiste s’est fait plutôt discret en termes de nouvelles parutions, mais ses nombreux fans seront heureux d’apprendre qu’il est de retour ces jours-ci avec Reliefs de l’Ancien Monde.

Reliefs de l’Ancien Monde ne contient pas un récit conventionnel, mais bien dix-sept histoires, certaines d’une vingtaine de pages et d’autres, très courtes, ne s’étalant que sur une seule planche contenant trois panneaux. La plupart ont été publiées entre 1988 et 2003 dans divers magazines, comme l’Écho des Savanes, le collectif Comix 2000 ou le journal l’Express, mais certaines sont inédites. Majoritairement, ces intrigues tournent autour du thème des vacances, mais l’auteur y aborde aussi le bogue de l’an 2000, l’indifférence face au foot féminin, ou la difficulté pour les musiciens de trouver un endroit où jouer sans déranger les voisins.
L’album met en scène des gens ordinaires remplis de contradictions, ce qui les rend profondément humains, qu’il s’agisse de Ludovic, un fainéant ne levant pas le petit doigt pour aider son frère et sa femme qui l’hébergent avant son départ pour l’Afrique comme travailleur humanitaire, Mathieu, un jeune homme rêvant d’autosuffisance qui souhaite acheter une ferme pour y élever des produits bios alors qu’il vit encore avec sa mère et compte sur elle pour lui faire à manger, ou encore un grand-père découragé par le fait que personne dans sa famille ne lise de livres et qui finit par en trouver, qu’il utilise… pour caler son fauteuil!

Les histoires de Reliefs de l’Ancien Monde prennent l’allure de simples tranches de vie, et se concluent souvent sur un ton mi-figue mi-raisin, comme celle d’Anthony, un adolescent en vacances à Hossegor qui connaîtra la pire honte de sa brève existence lorsqu’il croisera des surfeurs alors qu’il trimballe la planche à repasser que ses parents lui ont demandé d’emprunter, ou encore celle de deux jeunes hommes qui décident de suivre l’Océane bleue d’une femme ayant refusé leurs avances, avant de s’apercevoir qu’ils sont au beau milieu du rassemblement annuel du club Simca, et que des centaines de voitures identiques se trouvent dans la région.
Bien que la plupart de ces bandes dessinées aient été réalisées il y a plusieurs années, on reconnaît bien le style distinctif de Jean-C. Denis, et ses illustrations sympathiques effectuées au feutre. Les dessins ne possèdent pas tous le même niveau de peaufinage d’un récit à l’autre, et certains sont entièrement colorés, alors que d’autres se contentent d’utiliser un mélange de bleu gris et de crème. L’artiste partage généreusement une vieille photo de ses premières amours dans l’une de ses cases, et se livre à quelques expérimentations. « Le temps du livre » par exemple utilise des pictogrammes dans les phylactères au lieu de textes. L’album se termine par quatre pages où l’auteur explique le contexte derrière chacune de ses histoires, et l’endroit où elle fût originalement publiée.
Les inconditionnels de Jean-C. Denis se réjouiront de cette collection de récits qu’il aurait été difficile de se procurer autrement, et pour ceux qui ne le connaissent pas, Reliefs de l’Ancien Monde constitue une belle porte d’entrée pour découvrir ce bédéiste iconoclaste.
Reliefs de l’Ancien Monde, de Jean-C. Denis. Publié aux éditions Futuropolis, 120 pages.