S’il est un « secteur » de l’économie qui n’a pas connu de ralentissement avec l’éclatement de la pandémie, c’est bien celui de la traite de personnes, affirme l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), dans un nouveau rapport.
Le rapport en question révèle par ailleurs que les trafiquants ont profité de la crise sanitaire mondiale pour exploiter la perte de revenus des ménages et la hausse du temps passé sur le web, autant par les adultes que les enfants.
« La pandémie a aggravé les vulnérabilités à la traite des personnes tout en rendant la détection de ce crime encore plus difficile ainsi que l’accès à la justice pour les victimes, qui doivent également lutter pour obtenir de l’aide », a déclaré Ghada Waly, directrice exécutive de l’ONUDC, dans des propos partagés sur le site web des Nations unies.
« Cette étude est une nouvelle ressource importante pour les décideurs politiques et les praticiens de la justice pénale, car elle examine les stratégies à succès d’enquêtes et poursuites de traite en temps de crise », a ajouté Mme Waly. « Elle offre également des recommandations sur le soutien à apporter aux intervenants de première ligne et aux victimes ainsi que sur le renforcement de la résilience face aux crises futures ».
Ainsi, les mesures adoptées pour combattre le virus ont facilité la tâche de plusieurs trafiquants, affirme l’agence onusienne, notamment en isolant les gens potentiellement vulnérables, qui ont ensuite pu tomer entre les griffes d’individus peu recommandables.
De fait, les millions de personnes qui se sont subitement retrouvées au chômage ont représenté une clientèle de choix, les trafiquants offrant souvent de fausses promesses d’emploi pour mettre la main sur des gens désespérés, a indiqué Ilias Chatzis, chef de la section Traite des personnes et trafic illicite de migrants de l’ONUDC, qui a élaboré cette nouvelle étude.
Une offensive numérique tous azimuts
Autre clientèle particulièrement vulnérable, les enfants, qui se sont très largement tournés vers les plateformes en ligne et les médias sociaux, à défaut de pouvoir fréquenter leurs amis en face à face, ou d’aller à l’école, sont tombés dans la mire des trafiquants, qui ont rapidement su utiliser ces mondes numériques pour élargir leur bassin de victimes.
« Les experts qui ont contribué à notre étude ont fait part de leurs inquiétudes quant à l’augmentation de la traite des enfants. Les enfants sont victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle, de mariage forcé, de mendicité forcée et de criminalité forcée », a expliqué M. Chatzis.
Et avec les limitations imposées aux services d’aide, que ce soit en raison des mesures de distanciation, ou encore des suites de possibles contractions budgétaires provoquées par les dépenses inattendues pour assurer des services de base et la forte baisse des revenus fiscaux, par exemple, les trafiquants avaient davantage le champ libre qu’à l’habitude.
« Lorsque les victimes secourues se remettent de leur épreuve, elles ont souvent besoin d’une assistance régulière dans le cadre du processus de réhabilitation et de réintégration. Il peut s’agir de soins de santé, de suivi psychologique, d’aide juridique ou d’accès à l’éducation et à l’emploi », a indiqué M. Chatzis.
« Dans de nombreux cas, ces processus sont tout simplement à l’arrêt, ce qui fait courir le risque d’être revictimisé aux survivants de la traite, en particulier ceux qui ont perdu leur emploi et se retrouvent soudainement sans ressources », a-t-il ajouté, toujours selon le site web de l’ONU.
Pour l’expert, il ne fait aucun doute que les méthodes de lutte contre le trafic de personnes doivent être revues urgemment pour tenir compte des nouvelles réalités sanitaires. D’autant plus que si la pandémie prend du recul en Occident, en Asie, en Amérique du Sud et en Afrique, la vaccination se fait attendre, et les populations déjà plus vulnérables sont encore plus exposées aux dangers.