Il y avait déjà la nécessité de faire la distinction entre les opposants aux vaccins (ou antivaccins) et les gens qui sont juste « hésitants » ou anxieux. Il faudra peut-être ajouter aussi à la liste les « apathiques du vaccin ».
Certaines personnes ne se soucient tout simplement pas du fait d’être ou pas vaccinées, écrivent deux chercheurs dans un texte d’opinion publié en juin dans le Journal de l’Association médicale américaine. Et si les deux auteurs tiennent à ajouter cette « troisième catégorie », c’est parce que ces « apathiques » nécessitent à leurs yeux une approche de communication différente des « hésitants ».
« Les campagnes de santé publique ont d’abord, et avec raison , mis l’accent sur la nécessité d’atteindre les personnes anxieuses face à la sécurité des vaccins, ou face aux effets secondaires », écrivent-ils. Mais cette façon de voir les choses a fait oublier que, dans tout processus social impliquant une « innovation », de quelque forme que ce soit, « la moitié du marché prend d’habitude du temps à faire un choix ».
Autrement dit, la personne anxieuse a réfléchi aux vaccins et à ce qu’elle perçoit comme des risques. Alors que la personne apathique n’est simplement pas intéressée à y penser, ayant d’emblée conclu que ça ne la concernait pas.
Les deux auteurs, dont l’une, Stacy Wood, est à l’école de gestion de l’Université de Caroline du Nord et l’autre, Kevin Schulman, est au département de médecine de l’Université Stanford, rappellent la proportion de la population américaine qui n’est toujours pas vaccinée (près de 40% lorsqu’ils ont écrit leur texte, un peu plus de 30% en date du 5 juillet) et estiment que c’est l’apathie qui peut être un sentiment dominant chez un grand nombre de ces gens, plutôt que l’hésitation: c’est particulièrement évident chez les moins de 25 ans, qui n’y voient pas une priorité, mais ce serait tout aussi présent chez d’autres couches de la population, qui regardent les chiffres sur les cas et les hospitalisations et en concluent que le danger est passé. En langage savant, « les populations caractérisées par l’apathie ont encore à faire l’investissement psychologique requis pour être décrites comme hésitantes ».
Ça pourrait être une mauvaise nouvelle, considérant que les stratégies de communication actuelles ont été pensées pour des personnes hésitantes ou anxieuses. Mais la bonne nouvelle est que des stratégies pour amener des gens à faire cet « investissement psychologique requis » sont connues depuis longtemps dans le monde du marketing. Ce qui fonctionne avec eux, explique Stacy Wood, c’est de l’information « rapide et facile à traiter ». Par exemple, des émotions, des slogans, des images, sont des informations qui sont traitées rapidement.
Par ailleurs, ces gens — la plupart des gens, en fait, dans la vie de tous les jours — vont traiter rapidement une information qui réfère à un gain personnel immédiat (d’où l’intérêt des cadeaux offerts sur certains lieux de vaccination, voire des loteries) ou à une perte immédiate (par exemple, le risque de ne pas pouvoir aller à l’école en personne à la rentrée, ou de ne pas pouvoir voyager). En comparaison, ils laisseront de côté une information qui réfère à un gain à long terme moins tangible, comme la réduction du taux d’infection.