L’adolescence est une période trouble; cela ne fait aucun doute. Mais comment s’adapter aux transformations de ce moment de l’existence lorsque votre communauté, voire votre identité même fait l’objet d’une confrontation armée à quelques kilomètres de Montréal? Dans Beans, la réalisatrice Tracey Deer transpose au grand écran ses propres souvenirs de la crise d’Oka, en 1990.
À l’aube de l’adolescence, donc, un moment où l’on découvre cette sensation grisante de rébellion contre ses parents et l’attrait que peut exercer le sexe opposé, Beans sera plutôt confrontée à un rare et exceptionnellement violent épisode de la relation entre Autochtones et Allochtones. Rare, en fait, parce que les tensions couvent depuis belle lurette, mais que les échanges de tirs ne se sont heureusement pas reproduits.
Beans, donc, en attente d’une réponse d’une prestigieuse école qui lui permettra d’acquérir non seulement les connaissances, mais aussi les contacts pour se faire une vie à l’extérieur de la communauté, comme le souhaite plus que tout sa mère, apprendra à connaître la haine que voue une partie de la population aux Premières Nations, mais aussi ce sentiment d’appartenance alimenté par cette même haine.
Cette volonté de s’opposer pour s’opposer, propre à ce moment charnière de la vie, va en effet se nourrir de cette oppression, poussant la jeune fille à poser des gestes qu’elle n’aurait jamais envisagés auparavant.
Film classique de par sa structure, avec le parcours « classique », si l’on veut, d’une jeune fille à l’adolescence, Beans se démarque par sa présentation, dans une forme plus que directe, des violences auxquelles ont été exposés les Mohawks et autres Autochtones durant la crise. En ce sens, l’utilisation d’archives et la reprise de moments forts, notamment lorsque des Allochtones ont lancé des pierres sur les voitures d’Autochtones quittant la zone encerclée par les autorités, donnent véritablement l’impression de se trouver sur place.
Oeuvre puissante, oeuvre également sans trop de failles sur le plan technique (on pardonnera l’utilisation de produits alimentaires qui n’existaient pas à l’époque, ou encore l’impossibilité technique de faire disparaître des ouvrages routiers décidément trop contemporains), Beans est clairement un film qui vient du coeur, mais aussi des trippes. À voir.